Revue de presse

Discours d’Alain Bazot, Président de l’UFC Que Choisir, objectifs 2011

le 26 janvier 2011,

Mesdames, Messieurs

Au nom des 142 000 adhérents, 160 associations locales, 32 administrateurs et 130 salariés de l’UFC-Que Choisir, je vous remercie sincèrement d’avoir répondu si nombreux à la présentation de nos objectifs annuels, qui en cette année 2011, ont évidemment une signification particulière avec la célébration de notre soixantième anniversaire… A l’image des précédents, l’année 2010 a été marquée par un dynamisme de notre association, une vraie tonicité qui pourrait étonner après soixante ans… Bref, l’UFC-Que Choisir grandit mais ne vieillit pas… Elle reste en pleine forme. Aujourd’hui, avec ma voix chancelante, je n’en suis peut-être pas la meilleure illustration mais soyez certains que la promesse faite l’an dernier, à savoir que du haut de ses soixante ans l’UFC-Que Choisir n’est pas prête à battre en retraite, sera tenue !

Il va s’agir effectivement cette année peut être plus encore que les précédentes de peser de tout notre poids et de profiter de notre longue expérience pour réanimer une cause consumériste gravement malade. En soixante ans, la donne a beaucoup changé : en 1951, un groupe d’experts créait l’Union fédérale de la consommation pour faire valoir les droits de ceux que les professionnels cherchaient à conquérir précieusement et dont on pressentait déjà qu’ils seraient le moteur de l’économie : les consommateurs… Soixante ans plus tard, les consommateurs restent le moteur d’une économie en crise, mais on ne cherche plus à les conquérir, on leur impose des offres dans un contexte de grande captivité… De plus, la mondialisation et la construction européenne, ont abouti à ce que les Français n’aient plus le « confort » des monopoles (pas à choisir ni à comparer) et soient confrontés à la libéralisation des marchés qui a apporté la fin de ce confort et l’émergence de nouveaux tracas.

Le contexte actuel appelle donc plus que jamais que chacun prenne sa place : l’Etat pour l’édiction des règles et leur application ; les autorités de régulation pour la fluidité des marchés, et enfin le contre pouvoir consumériste.

Or, la massification de l’économie avec la substitution des contrats d’adhésion aux contrats négociés, la structuration oligopolistique de nombreux marchés sans oublier la dérégulation insidieusement opérée dans nombre d’entre eux, sont autant de symptômes de trois pathologies majeures dont souffre aujourd’hui le consumérisme en France :

  • un désengagement hémorragique de l’Etat
  • l’absence de traitement efficace du cancer de l’économie que constituent les pratiques anticoncurrentielles
  • l’apparition de nombreuses situations schizophréniques avec les conflits d’intérêts

un désengagement hémorragique de l’Etat

En 2010, un constat s’impose : le culte de l’autorégulation semble bien avoir pris définitivement le pas sur la fonction de règlementation. L’Etat s’est désengagé de ses fonctions régaliennes qu’il s’agisse de la prise de normes ou des moyens pour en assurer le respect. J’en donnerai quelques exemples.

  • Sur les frais bancaires, aussi onéreux qu’opaques, l’alerte de l’UFC-Que Choisir sur les pratiques tarifaires inadmissibles des banques, confirmée par nombre d’autorités, qui exigeait une vraie réforme de la tarification bancaire a donné lieu à l’audacieux « pari de la confiance » pour reprendre l’expression de Madame LAGARDE, c’est-à-dire faisons confiance aux banques pour résoudre les problèmes de tarification dont elles sont à l’origine… Autant demander à un sourd de tendre l’oreille !
  • En matière d’énergie, l’explosion des litiges liés aux surfacturations, les mauvaises estimations de la part des opérateurs exigeaient une réponse forte de la part du gouvernement… Un rapport a bien été diligenté en septembre… Mais la montagne a accouché d’une souris : alors que le rapport du médiateur de l’énergie confirme le double constat d’une explosion depuis 2007 des réclamations auprès des fournisseurs d’énergie et d’une détérioration du traitement de ces litiges par les opérateurs, Eric BESSON n’a décidé aucune mesure concrète estimant que cela procédait de simples erreurs et d’inévitables aléas. S’il ne s’agit pas de remettre en cause l’absence d’intention malveillante de la part des opérateurs, il est quand même difficile de croire que la situation est seulement la faute à pas de chance !
  • De même, dans l’univers numérique, le gouvernement, après avoir imposé le tout répressif du système HADOPI, avait diligenté, en raison de la grogne légitime de bon nombre de parlementaires, un rapport en vue du développement d’une offre légale… L’œuvre ambitieuse de M. ZELNIK avec la demande relative à la création d’une licence collective étendue est restée sans suite et est allée tristement rejoindre ces nombreux prédécesseurs au cimetière des rapports et des analyses sans suite!
  • Je ne vais pas poursuivre plus longtemps le désormais traditionnel éloge funèbre des réformes consuméristes avortées au cours de la précédente année, réformes que nous entendons ressusciter en 2011. Ainsi je reviendrai sur une autre forme de désengagement hémorragique de l’Etat : l’ineffectivité du droit.

L’an dernier, je regrettais amèrement que la réforme finalisée de la DGCCRF aboutisse à un démantèlement préjudiciable à l’intérêt des consommateurs, s’agissant de missions aussi essentielles que la régulation concurrentielle des marchés, la protection économique du consommateur (étiquetage, publicité) et sa sécurité. Un an plus tard, le constat demeure avec encore plus de force… Je ne résiste pas ainsi de revenir sur une interview de Christine LAGARDE à l’automne dernier sur France Inter au sujet de la mobilitébancaire qui m’a profondément choqué… Interrogé par un journaliste sur l’enquête de l’UFC-Que Choisir réalisée auprès de près de 1800 agences bancaires, le Ministre a salué notre « compétence »… Rassurez-vous, là n’est pas l’objet de mon courroux ! Mais lorsque le journaliste poursuivit pour savoir si ce travail d’audit pour vérifier la réalité d’un engagement pris devant les pouvoirs publics ne devait pas également relever de l’administration, sa réponse fut immédiate : « à chacun son job » ! Voilà en quelques mots, comment fut officialisée la démission par l’Etat de son rôle de contrôle des marchés…

De même, alors que l’Etat doit être le garant d’une justice accessible et efficace, il a poursuivi le mouvement de déjudiciarisation de la société, la justice de proximité n’est plus en robe, elle est en haillons, en développant à tout crin la médiation, en créant une commission des bonnes pratiques de la médiation à laquelle l’UFC-Que Choisir a refusé de participer. En effet, il est essentiel de rappeler que les modes alternatifs de règlements des litiges, comme l’indiquent leur nom, n’ont de sens que s’il existe pour les consommateurs une alternative crédible, c’est l’action en justice, qui en droit de la consommation est difficilement accessible ! De plus, à l’exception notoire de quelque médiateurs publics réellement indépendants et impartiaux comme le Médiateur de l’Energie, il faut rappeler que la plupart des ces « médiateurs » ne sont souvent rien d’autres que des responsables clientèles maison qui ne disent pas leur nom ! Comment admettre que l’Etat abdique son autorité judiciaire, qu’il confie aux professionnels le soin de régler les litiges de consommation. Le consommateur n’est-il donc pas un justiciable comme les autres? On a vraiment l’impression que l’arbitre du match entre consommateurs et professionnels cherche à déserter le terrain, ce que je ne peux admettre. Alors que nous venons de redéposer notre agrément pour ester en justice, j’entends bien en 2011 tout mettre en œuvre pour restaurer l’effectivité du droit de la consommation et une nouvelle fois nous ne manquerons pas d’user de notre droit pour agir en justice chaque fois que cela se révélera nécessaire.

La dernière forme que prend le désengagement de l’Etat est tout aussi inadmissible et encore plus pernicieuse. En effet, l’Etat transfert de plus en plus vers le consommateur de charges qu’il ne devrait pas supporter. L’actualité immédiate nous en donne 2 exemples criants :

  • Le financement de la création :
  • après les taxes copies privées qui ne cessent d’augmenter, l’Etat a fait supporter au consommateur le financement de la création puisque la baisse de la TVA à 5.5% sans baisse des prix finaux n’avait pour seule finalité que de rendre neutre pour les opérateurs la « taxe COSIP » dont ils doivent s’acquitter pour financer la création.

Le financement des compteurs Linky qui n’ont d’« intelligents » que le nom:

  • Le gouvernement continue sa marche forcée vers les compteurs communicants et entend mettre à la charge des consommateurs leur financement alors qu’ailleurs, notamment, en Italie, le coût des compteurs a été pris en charge par les fournisseurs. Faut-il ici rappeler que ces compteurs sont au seul service des opérateurs puisque les consommateurs ne connaîtront pas leur consommation en temps réel et ne pourront donc ainsi maîtriser leur consommation énergétique.

Si le consommateur doit payer le service rendu, doit il prendre à sa seule charge les investissements liés au bien être collectif ? Une réflexion est à mener sur la répartition des charges entre consommateurs et contribuables.

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