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Assurance vie Dumping pour l’euro-croissance

Assurance vie dumping pour l’euro-croissance

Annoncé il y a un an, au moment de son lancement, comme la solution d’avenir pour les souscripteurs d’assurance vie, le fonds euro-croissance ne convainc pas les épargnants. Pour les inciter à prendre goût à ce nouveau produit, un projet de décret envisage de mettre à contribution les fonds en euros classiques en captant une fraction de leurs plus-values latentes à l’occasion de transferts. Une solution qui tient du détournement, selon certains observateurs. Explications.
Déshabiller de force Paul pour habiller Jacques ? C’est en quelque sorte ce que s’apprêterait à faire le gouvernement, au travers d’un décret qui « projette de façon inique et occulte de piocher dans le patrimoine commun des 17 millions de Français détenteurs d’un contrat d’assurance vie en euros pour rendre l’euro-croissance plus attractif », dénonce l’Arcaf 1 (Association nationale des fonctionnaires épargnant pour la retraite) dans une pétition rendue publique le 29 novembre.

Pour relancer l’euro-croissance , le texte en cours de finalisation envisage de permettre à l’assureur de déporter, du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018,« certains actifs en plus-values latentes des fonds euros vers les fonds euro-croissance, dans une proportion à déterminer » dès lors qu’un assuré transférera son épargne d’un fonds en euros vers un euro-croissance. Pour Guillaume Prache, président de l’Arcaf, le constat est clair : il s’agit d’undétournement pur et simple. « Les plus-values latentes, c’est-à-dire non réalisées, générées par la gestion des actifs correspondant aux primes investies sur les fonds en euros appartiennent à la communauté des assurés », rappelle-t-il. Ces sommes, aujourd’hui très importantes (en 2014, la marge de solvabilité des assureurs grimpait de 3,7 % à 17,2 % en intégrant les plus-values latentes), sont « mutualisées et contribuent ainsi à sécuriser les rendements futurs versés aux épargnants, poursuit Guillaume Prache. C’est pourquoi, lorsqu’un assuré décède ou transfère son contrat en euros, ces plus-values latentes restent dans la communauté. Or le gouvernement s’apprête à faire une entorse à ce principe fondamental de mutualisation, lorsqu’il y aura transfert d’un fonds en euros vers un fonds euro-croissance. C’est à mon sens d’autant plus inique que ce sujet extrêmement complexe demeure incompréhensible pour 99 % des Français ».

1 580 milliards d’euros d’encours
Pour rappel, aujourd’hui, l’assurance vie représente plus de 1 580 milliards d’euros d’encours dont plus de 80 % sont souscrits sous forme de contrats en euros. Longtemps considéré comme un placement miracle à la fois rentable et sécurisé (le capital est garanti à tout moment par l’assureur), le fonds en euros, majoritairement placé en obligations d’État et d’entreprises, est directement impacté par la baisse historique des taux longs qui, année après année, grignote son rendement annuel. Tombé à 2,5 % en moyenne en 2014, celui-ci devrait encore baisser de 0,2 ou 0,3 points en 2015 et pourrait tendre selon certains experts vers 1 % à l’horizon 2017-2018. Soucieux de sortir d’une logique de garantie permanente du capital qui leur coûte de plus en plus cher en termes de rentabilité, les assureurs ont donc trouvé la parade en lançant, en septembre 2014, les nouveaux fonds euro-croissance.

Mauvais « market timing » 
En souscrivant ce support, l’assuré profite d’une garantie en capital, mais celle-ci n’est acquise qu’à une échéance donnée (8 ans minimum). Ce délai d’immobilisation permet à l’assureur de prendre plus de risques sur les marchés financiers pour doper son rendement, tout en protégeant à terme les avoirs qui lui sont confiés.

Sur le papier, l’euro-croissance ouvre donc une troisième voie séduisante entre les fonds en euros (garantis en permanence mais peu rentables) et les supports en unités de compte (plus performants mais risqués). Dans les faits toutefois, ce nouveau support souffre d’un très mauvais « market timing ». Sa mécanique complexe (qui demande d’être bien comprise avant souscription) exigerait des taux obligataires plus élevés et des marchés actions moins chahutés pour dégager une rentabilité digne de ce nom. Dans le contexte actuel, selon diverses estimations, pour garantir 100 € à une échéance de 10 ans, il faut qu’au moins 90 % des primes soient investies dans les mêmes conditions que les fonds en euros classiques. Résultat, sur cette durée, le différentiel annuel de rendement de l’euro-croissance par rapport à un fonds en euros récupérable à tout moment s’annonce de l’ordre de… + 0,5 %. On comprend que les assurés ne se précipitent pas ! D’où le projet de décret en cours d’élaboration. « Si on ne parvient pas à organiser ce transfert de plus-values, l’euro-croissance n’a pas d’avenir », affirme Nicolas Moreau, PDG d’Axa France. Mais serait-ce vraiment une perte pour l’assuré ?

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