14 mars 2012
La libéralisation comme antidote
Un devoir de conseil défaillant, les prix qui donnent le tournis… les pharmacies jouent mal leur rôle. Pour les consommateurs, l’automédication est une pilule dure à avaler. Pour soigner le mal, un remède : la libéralisation encadrée du secteur.
« Ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre… » Voilà ce que j’avais répondu aux journalistes soucieux de prendre le pouls de l’UFC-Que Choisir au lendemain de l’annulation d’une enquête de terrain dont le protocole, hélas, éventé, avait circulé entre des pharmaciens ulcérés à la perspective de faire une croix… sur une discrétion bien préservée de leur activité.
Grâce à la détermination de nos associations locales, une nouvelle enquête a pu être menée. À l’arrivée, le diagnostic est sans appel : l’automédication française est malade d’une distribution malsaine des médicaments et de prix fébriles. Loin d’être saisonnière, cette maladie semble chronique puisqu’un constat similaire avait déjà été fait en 2009, les pharmaciens promettant alors de mieux soigner leur clientèle…
Promesse placebo ! L’enjeu pour les consommateurs est pourtant loin d’être bénin, tant du point de vue sanitaire – pas de prescription, donc pas de conseil du médecin – que financier. L’automédication représente en effet un tiers des dépenses de médicaments des Français et 12 % de leurs frais de santé, soit 2,1 milliards d’euros ! Contre de tels maux, l’UFC-Que Choisir propose un antidote : une libéralisation, strictement encadrée, de la vente des médicaments délivrés sans ordonnance. En effet, le monopole dont bénéficient (encore) les pharmacies françaises sur ces médicaments est une exception européenne aux résultats peu probants. Les exemples étrangers, notamment les plus récents comme celui de l’Italie, soulignent la pertinence d’une libéralisation encadrée de la distribution des médicaments sans ordonnance. Elle se traduit par leur mise à disposition en parapharmacies et dans des espaces dédiés en grandes surfaces avec présence impérative d’un pharmacien pour préserver le conseil de l’expert. Une telle mesure engendrerait pour les consommateurs une économie pouvant atteindre 16 % des dépenses de médicaments non remboursés, soit 270 millions d’euros… Et ce, sans affecter la bonne santé financière des pharmacies.
L’UFC-Que Choisir a fait des comptes d’apothicaire : la libéralisation entraînerait une baisse des marges des pharmacies de 5 % au maximum et ne réduirait pas leur réseau. En revanche, elle permettrait d’accroître de 10 % le nombre de points de vente des médicaments sans ordonnance. Alliée à un meilleur encadrement de la publicité relative à l’automédication et à un renforcement de l’information directe des consommateurs sur les effets des médicaments dès l’emballage, la libéralisation aboutirait à une automédication plus responsable et moins chère. Le remède au mal dont souffre l’automédication est connu, reste à connaître la volonté des politiques de le prescrire !
Alain Bazot
Président de l’UFC-Que Choisir