Consommation Droit

Action de groupe : une consultation européenne et deux nouvelles propositions de loi

Bruxelles lance un appel à contributions pour « renforcer la cohérence de l’approche européenne en matière de recours collectif ». En France, deux textes identiques ont été déposés au Sénat le 22 décembre par Laurent Béteille (UMP) et Richard Yung (PS).

Cheval de bataille des associations de consommateurs, l’action de groupe connaît de timides avancées. La Commission européenne vient d’ouvrir une consultation (en anglais) par laquelle elle invite toute personne intéressée à s’exprimer sur les recours collectifs (action en cessation et/ou action en réparation) afin de recenser les principes juridiques communs dans toute l’Europe.

« La législation de l’Union en vigueur prévoit déjà la possibilité d’intenter des actions collectives en cessation dans le domaine du droit de la consommation, note la Commission, mais les ordres juridiques nationaux varient considérablement en ce qui concerne les marchés financiers, la concurrence, la protection de l’environnement, ainsi que d’autres branches du droit. Ces différences entre les États membres sont encore plus marquées lorsque plusieurs consommateurs ou entreprises entendent demander réparation dans une même affaire. »

Ferme opposition à la « possibilité d’intenter des “class actions” à l’américaine »

Bruxelles partira des avis recueillis pour trancher sur l’opportunité d’un instrument législatif de l’Union. Néanmoins, la Commission a d’ores et déjà prévenu qu’elle s’opposait « fermement à ce que la possibilité d’intenter des “class actions” à l’américaine soit introduite dans l’ordre juridique de l’Union ». Cette procédure est très critiquée en Europe, notamment parce qu’elle est déclenchée tous azimuts par des avocats grassement rémunérés au pourcentage des dommages et intérêts obtenus.

Qu’apporte de neuf cette nouvelle consultation ? « Les réflexions sur l’action de groupe ont été jusqu’ici très sectorisées, estime Cédric Musso, directeur des relations institutionnelles à l’Union fédérale des consommateurs (UFC-Que choisir). Cette consultation va dans le bon sens, car elle rapproche consommation et concurrence. » L’action de groupe est un dossier sur lequel la Commission européenne travaille en effet depuis plusieurs années. En 2005, elle a adopté un livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infractions aux règles sur les ententes et les abus de position dominante, suivi d’un livre blanc sur le même sujet en 2008. Cette même année, elle a également rendu public un livre vert sur les recours collectifs pour les consommateurs.

Luc Chatel regrette de ne s’être « pas montré assez convaincant » sur le dossier de l’action de groupe

En France, l’action de groupe peine à s’imposer. Le 23 janvier, dans un entretien sur Europe 1, Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale et de la vie associative, s’est dit « ardent défenseur » de ce qu’il considère comme le « meilleur mécanisme d’indemnisation à condition qu’il soit bien encadré ». Tout en reconnaissant qu’il ne s’est « pas montré assez convaincant auprès du Président et du premier ministre » lorsqu’il était secrétaire d’État à la consommation entre 2007 et 2009.

Le dossier progresse néanmoins, doucement, au Parlement. Deux textes identiques ont été déposés le 22 décembre dernier par les sénateurs Richard Yung (PS) et Laurent Béteille (UMP) : les propositions de loi n° 201 et n° 202 tendant à renforcer la protection des consommateurs par la création d’une action de groupe fondée sur l’adhésion volontaire.

Une « troisième voie efficace […] qui nous sort du débat stérile entre opt-in et opt-out »

Ces textes sont issus d’un rapport rendu public le 22 mai dernier par les deux élus (voir notre article du 2 juin 2010). La précédente proposition de loi, élaborée par Richard Yung et sa collègue Nicole Bricq, avait été rejetée le 24 juin suite à un long débat au Sénat. Hervé Novelli, alors secrétaire d’État au commerce et à la consommation, avait exprimé ses réserves, arguant qu’il fallait attendre une amélioration de la conjoncture économique (voir notre article du 30 juin 2010).

Pour éviter une avalanche de procédures abusives, Richard Yung et Laurent Béteille prévoient, dans leur(s) nouvelle(s) proposition(s) de loi, que seules les associations de consommateurs agréées pourraient intenter une action en justice. Après examen des premiers éléments du dossier, le juge fixera le délai durant lequel les consommateurs pourront déposer une demande d’indemnisation. Au-delà, ils ne pourront plus se joindre à l’action.

« Ce dispositif est une troisième voie efficace, ouverte et encadrée qui nous sort du débat stérile entre opt-in et opt-out ¹, se réjouit Cédric Musso. La volonté gouvernementale fait encore défaut, mais les parlementaires avancent. » La date de la première lecture des propositions de loi n’est toutefois pas encore fixée.

Ophélie Colas des Francs

http://www.conso.net/page/bases.0-conso-info.3-detail-d-une-actualite./idyCin-2775

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