L’eau potable contient-elle des résidus de médicaments ?
La question était posée depuis que des analyses avaient révélé leur présence dans le milieu naturel. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) vient de réaliser des analyses très instructives.
L’étude de l’Anses sur la présence de résidus de médicaments dans l’eau potable était très attendue, elle vient de paraître. L’affaire était complexe, car il a fallu recourir à des méthodes d’analyse offrant un seuil de détection infiniment petit. Quand on recherche des pesticides, le seuil de détection est de 0,1 microgramme par litre (mg/l), mais pour avoir une chance de détecter ces résidus de médicaments éventuellement présents à des teneurs infinitésimales, il fallait descendre encore plus bas, jusqu’à 1 nanogramme par litre (ng/l) – soit 100 fois moins que pour les pesticides. Le laboratoire Anses d’hydrologie de Nancy est parvenu à analyser 45 molécules appartenant à des classes de médicaments très courantes sur les 76 initialement prévues : 285 analyses d’eau traitée, c’est-à-dire destinée à alimenter les robinets des consommateurs, et autant d’eau brute, celle des rivières et des nappes souterraines, ont été effectuées.
Situation plus tranchée pour l’eau brute
Résultat, aucune des molécules recherchées n’a été détectée dans 75 % des échantillons d’eau traitée, et 1 à 4 molécules ont été quantifiées dans 25 % des cas, avec des teneurs cumulées en général inférieures à 25 ng/l, la teneur maximale enregistrée sur un prélèvement étant de 131 ng/l. La substance la plus présente est un métabolite de la carbamazépine, un antiépileptique. Que l’eau soit d’origine superficielle ou souterraine influe peu sur les résultats.
La situation est plus tranchée pour l’eau brute : 70 % des eaux souterraines sont totalement exemptes de résidus de médicaments, mais seulement 35 % des eaux superficielles. On y détecte plus de molécules que dans l’eau traitée et à des teneurs plus élevées, avec un maximum de 400 ng/l, même si une majorité d’analyses donnent une teneur cumulée inférieure à 25 ng/l.
Une étude somme toute plutôt rassurante. La comparaison entre les analyses de l’eau brute et de l’eau traitée montre une efficacité des traitements de potabilisation. Quant aux teneurs de résidus de médicaments détectés dans 25 % des eaux traitées, elles sont « 1 000 à 1 million de fois inférieures aux doses utilisées dans le cadre des doses thérapeutiques ». Mais puisque 75 % des eaux traitées en sont totalement exemptes, l’objectif doit évidemment être le 100 %, avec un effort sur le traitement des rejets, que ce soit en sortie d’hôpitaux ou en stations d’épuration.
Élisabeth Chesnais
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