Scandale Volkswagen suite
Une intox peut en cacher une autre
Alors que la presse se fait le relais des « coups de com’ » qui appellent à la réparation des consommateurs français dans l’affaire Volkswagen sur les contrôles antipollution, à l’UFC-Que Choisir, on prend le temps de la réflexion. L’objectif pour la protection des consommateurs est bien de lutter efficacement contre les mauvaises pratiques des constructeurs automobiles. Et de changer la donne en profondeur.
Si le scandale Volkswagen a éclaté aux États-Unis, c’est que la situation au sujet de l’oxyde d’azote (NOx) est très différente avec l’Europe, la réglementation étant beaucoup plus drastique aux États-Unis. Depuis 2004, les constructeurs de moteur diesel n’ont pas le droit de dépasser 43 mg/km, alors qu’en France la limite était, jusqu’à très récemment, fixée à 170 mg/km. C’est seulement l’entrée en vigueur de la norme Euro VI (applicable depuis le 1er septembre 2014 aux nouveaux moteurs homologués et depuis le 1er septembre 2015 à tous les moteurs) qui interdit à tous les moteurs diesels vendus en France de dépasser 80 mg/km, soit une diminution de plus de moitié, mais encore loin de la norme américaine.
Et si Volkswagen a énormément communiqué sur les émissions de NOx, c’est notamment parce que le diesel est mal perçu outre-Atlantique. En revanche, l’argument environnemental sur l’oxyde d’azote n’a pas été valorisé en Europe et en France, les performances de NOx ne figurant d’ailleurs pas sur les brochures techniques. Aucune allégation spécifique n’a été faite aux consommateurs, quel que soit le constructeur.
Du coup, les consommateurs ne peuvent réclamer – sur le fondement du préjudice moral ou encore sur la perte de chance – un quelconque préjudice, dans la mesure où aucune information sur les performances NOx ne leur a été délivrée. Quand bien même une telle allégation aurait existé, et qu’elle aurait été faussée par le logiciel utilisé par Volkswagen, l’action de groupe n’aurait pas permis à l’UFC-Que Choisir d’exiger une quelconque indemnisation des consommateurs concernés. En raison de la difficulté de chiffrer un préjudice économique, seul préjudice réparable par l’action de groupe en France.
D’autres pratiques bien plus anciennes
En revanche, le scandale Volkswagen ne doit pas masquer les autres « procédés », également très critiquables et cette fois-ci directement préjudiciables aux consommateurs français. Car il est aujourd’hui incontestable que la plupart des constructeurs utilisent des « astuces » (moteur adapté pour consommer le moins possible au moment du test, pneus surgonflés…) afin d’optimiser les tests de consommation et d’émission de CO2 et de particules fines (1).
Depuis 2009, l’UFC-Que Choisir mène des tests sur la majeure partie du parc automobile, selon les protocoles européens qui s’imposent aux constructeurs et aussi selon un protocole plus sévère et plus proche des conditions réelles d’utilisation. Nous avons ainsi constaté des décalages très importants entre nos résultats et ceux des constructeurs. Par exemple, en 2011, nous dénoncions déjà un écart de 47,1 % (soit une différence de 3,3 l/100 km) entre la consommation mesurée de la Ford Focus 1.8 125 Flexifuel et celle annoncée par le constructeur. En février 2015, nous relevions un écart de 29 % pour une Clio IV Estate dCi 90 Energy Eco2 et 28 % pour une Fiat 500 0.9 8V TwinAir S&S.
Une telle situation a pour conséquence de déconnecter très substantiellement la performance alléguée par le constructeur et la réalité vécue par l’utilisateur. Or, en France, la consommation de carburant est un élément central des campagnes publicitaires des constructeurs. En outre, moins le véhicule consomme, moins il émet de CO2 et de particules fines, notamment s’il s’agit d’un moteur diesel.
Il faut aussi rappeler que les valeurs d’émissions de CO2 servent de base de calcul aux bonus et malus attribués aux véhicules achetés par les particuliers, mais aussi à la TVS (taxe sur les véhicules de société) pour les entreprises. En annonçant des émissions éloignées de la réalité, les constructeurs avantagent certes les automobilistes et les entreprises, mais obligent l’État français à payer plus que de raison.
Alors que ces techniques pullulent, que des écarts substantiels sont prouvés sur la plupart des marques, la communication se cristallise sur un point qui ne trouvera certainement pas d’issue judiciaire en faveur des consommateurs ayant fait l’achat d’un véhicule du groupe Volkswagen concerné (Audi, Seat, Skoda et VW). Si toute la lumière doit être faite sur les conséquences de l’affaire Volkswagen sur le marché européen, elle doit permettre avant tout d’accélérer le processus de sanction contre les pratiques anciennes et très préjudiciables des fabricants automobiles, aussi bien du point de vue économique qu’écologique.