Malformations et autisme, l’inertie coupable de l’administration
Selon l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), le valproate de sodium (1), un antiépileptique également prescrit dans le cas de troubles bipolaires, a entraîné 450 cas de malformations et 150 cas de troubles autistiques entre 2006 et 2014. Avant 2006, la notice ne comprenait aucun avertissement aux patientes susceptibles de tomber enceintes. Ses effets indésirables étaient pourtant connus depuis longtemps.
Les notices des spécialités contenant du valproate de sodium (1), un antiépileptique également prescrit dans les troubles bipolaires, n’ont déconseillé l’utilisation de ce dernier pendant la grossesse qu’à partir de 2006. Ce constat, fait par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport publié mardi dernier, montre à quel point les patientes susceptibles de tomber enceintes n’étaient pas correctement informées des risques pour leur bébé. Pourtant, les effets malformatifs du valproate de sodium sont bien établis depuis le milieu des années 80 : ils se manifestent chez 10 % des enfants dont la mère était sous valproate pendant la grossesse, ce qui est considérable. Les soupçons d’autisme et de troubles du comportement, eux, ont émergé plus tardivement, au début des années 2000, et ont été confirmés en 2004.
L’Igas ne manque pas de pointer le décalage entre les connaissances médicales sur les méfaits potentiels des quatre spécialités concernées et la réaction, lente et tardive, non seulement des autorités administratives françaises, mais aussi de Sanofi, le laboratoire en charge de sa commercialisation. D’autres pays européens ont été plus réactifs. C’est que, pendant longtemps, en France, la peur d’une interruption brutale de traitement et les dangers liés aux crises d’épilepsie en cours de grossesse ont conduit à ne pas alarmer les femmes traitées et à minimiser l’impact du valproate sur le développement du fœtus. Les médecins eux-mêmes étaient peu réceptifs. Dans le meilleur des cas, un suivi de grossesse rapproché était mené. Le changement de thérapeutique n’était pas la stratégie privilégiée. Or des alternatives médicamenteuses moins risquées existent.
Il a fallu en outre attendre 2015 pour que l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) prenne la mesure réelle du phénomène, et s’attèle à encadrer la prescription de valproate de sodium. Désormais, le valproate de sodium ne doit être donné ni aux filles, ni aux femmes en âge d’avoir des enfants, afin de ne pas avoir à gérer un changement de traitement délicat au moment de la grossesse. Les médecins et les patients sont tenus d’essayer d’autres traitements moins nocifs pour l’enfant à naître. Le valproate de sodium ne doit être envisagé qu’en dernier recours et selon un protocole strict. L’Igas recommande, dans son rapport, une amélioration du système de signalement des effets indésirables des médicaments. Une telle réforme est actuellement à l’étude du côté de l’ANSM.
(1) Dépakine, Depakote, Depamide, Micropakine