Santé

Avec le Protelos, Servier s’expose à un nouveau scandale

Protelos

Le médicament Protelos entraînerait des effets secondaires qui n’avaient pas été signalés par Servier afin de faciliter sa mise sur le marché.AFP/THOMAS COEX

Comme pour le Mediator, Servier aurait falsifié des documents relatifs à un autre médicament, le Protelos, qui serait, là encore, plus dangereux que ce que le laboratoire laissait entendre.

Le Protelos, qu’est-ce que c’est ?

Produit par les laboratoires Servier, le Protelos est un médicament à base de ranélate de strontium, qui lutte contre l’ostéoporose, une maladie qui fragilise les os. Il est essentiellement prescrit pour les femmes ménopausées, pour réduire les risques de fractures vertébrales ou de la hanche. Le médicament se prend sur plusieurs années.
Le Protelos est commercialisé en 2004. A cette époque, l’Agence européenne des médicaments (EMA) estime que « les bénéfices du Protelos [sont] supérieurs aux risques du traitement de l’ostéoporose chez les femmes ménopausées ».

Que lui reproche-t-on ?

Le résumé des caractéristiques du Protelos de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) liste plusieurs effets secondaires : des « affections du système nerveux » (troubles de la conscience, pertes de mémoire, crises convulsives) aux « affections gastro-intestinales » (nausées et diarrhées), en passant par des « affections de la peau et du tissus sous-cutané ». En 2007, l’Afssaps avait ajouté que le Protelos pouvait entraîner un syndrome d’hypersensibilité médicamenteux ou « syndrome Dress » : il s’agit d’une allergie grave caractérisée par une éruption cutanée et qui peut atteindre le foie, les reins ou les poumons. Dans deux cas, les patientes qui avaient developpé ce syndrome après avoir pris du Protelos sont mortes.

Aujourd’hui, l’EMA reproche à « Servier [d’avoir] caché aux autorités de santé des cas d’effets secondaires du Protelos ». Le produit serait plus dangereux que Servier ne l’admettait. Dans un communiqué, le laboratoire a « fermement » démenti mercredi ces « accusations ».

Des similitudes avec l’affaire du Mediator

Produit par le laboratoire Servier, le Mediator est un antidiabétique, communément utilisé comme coupe-faim. Il est soupçonné d’avoir causé de cinq cents à deux mille morts en France en trente-trois ans de commercialisation. A la fin des années 1990, l’efficacité du benfluorex, du nom de la molécule du Mediator, est mise en doute. En même temps, la revue indépendante Prescrire lance des mises en garde : le Mediator peut provoquer des atteintes des valves du cœur (les valvulopathies), mais aussi des troubles neuro-psychiatriques ou pulmonaires.

Mais le Mediator reste sur le marché jusqu’en novembre 2009 pour des raisons qui restent à éclaircir, et ce, malgré le retrait des autres médicaments à base de la même molécule. La proximité du laboratoire avec l’Afssaps et les autorités politiques est notamment mise en cause.

Selon des informations de Libération publiées mardi, deux scientifiques ayant travaillé pour Servier ont révélé aux juges (articles en accès abonnés) que les caractéristiques anorexigènes du Mediator avaient été volontairement gommées de leur rapport pour en faire un antidiabétique, afin de faciliter l’obtention de son autorisation de mise sur le marché.

Dans le cas du Protelos, Servier a également passé sous silence les effets néfastes du médicament pour assurer la commercialisation de son produit.

Que risque Servier ?

Dans l’affaire du Mediator, les laboratoires Servier sont convoqués par des juges d’instruction à Paris en vue d’une possible mise en examen, a-t-on appris mardi auprès de l’un de leurs avocats.

Au total, Servier doit faire face à trois sortes de plaintes : pour tromperie aggravée, pour homicide et blessures involontaires, et pour escroquerie au préjudice des caisses de sécurité sociale. En janvier dernier, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait rendu un rapport accablant pour Servier.

Mille huit cents personnes ont déjà porté plainte pour blessures involontaires. A celles-ci devraient s’ajouter « un peu plus de mille plaintes d’ici à huit jours » selon le président de l’Association des victimes du Mediator et de l’Isoméride (AAAVAM), interviewé mercredi dans le Parisien. Et trois cents plaintes pour tromperie aggravée, qui devraient être déposées « d’ici septembre », par une autre association de victimes du Mediator, l’AVIM.

Mercredi matin sur France Inter, Jean-Christophe Coubris, avocat de victimes, envisageait même des difficultés bien plus grandes à l’avenir pour le laboratoire : « Si AXA, leur assureur, a la possibilité de ne pas couvrir Servier pour les indemnisations de toutes les victimes, le laboratoire va avoir besoin d’une surface financière considérable. Et de surcroît, s’il y a escroquerie à la Sécurité sociale, eh bien il faudra rembourser à la Sécurité sociale. (…) Donc, aussi solide qu’il soit, je crains que l’empire Servier ne soit considérablement affaibli. » A lui seul, le préjudice de la Sécurité sociale pourrait excéder le milliard d’euros.

Mercredi en fin de journée, la Sécurité sociale a demandé aux juges d’instruction chargés de l’enquête sur le Mediator d’imposer à Servier de verser 255 millions d’euros en garantie de futurs dédommagements que pourrait être condamné à verser le laboratoire. Cette somme se décompose en 226 millions d’euros de préjudice estimé pour le régime général de l’assurance maladie et de 29 millions pour les régimes particuliers, a précisé l’avocat de la Sécurité sociale, Me Georges Holleaux.

Concernant le Protelos, Libération affirme que le document est aujourd’hui entre les mains des juges qui enquêtent sur l’affaire du Mediator. Toujours selon le quotidien, une nouvelle inspection a été diligentée par l’EMA et un nouveau rapport est attendu.

http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/09/07/avec-le-protelos-servier-s-expose-a-un-nouveau-scandale-1568750-3224.html

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