Numericable sanctionne les bavards
Le forfait mobile « illimité » de l’opérateur ne l’est pas vraiment. Accusés d’abus, des abonnés se voient appliquer des restrictions depuis quelques jours. Des sanctions qui font mauvais genre, au moment où la guerre des prix fait rage dans la téléphonie mobile…
Encore une affaire de forfait « illimité » qui ne l’est pas. Depuis une dizaine de jours, l’opérateur Numericable semble vouloir faire le ménage dans la clientèle de son offre « illimitée » de téléphonie mobile.
Trop bavards, certains abonnés sont visiblement indésirables. Ils reçoivent un SMS d’alerte : « Vos appels ont dépassé la durée raisonnable prévue au contrat. » Quelques jours plus tard, leur ligne est restreinte. « Désormais, si je veux téléphoner, je dois payer 35 centimes [par minute] », s’insurge une consommatrice, parmi la vingtaine de victimes qui ont contacté 60 Millions depuis une semaine.
Une concomitance troublante…
Pour une offre « illimitée », c’est pour le moins surprenant. C’est surtout fâcheux en termes d’affichage pour Numericable, alors que l’opérateur vient de baisser ce forfait de 24,90 à 19,99 €, en riposte aux offres de Free mobile.
D’ailleurs, la concomitance est troublante. Pousser les abonnés les plus coûteux vers la sortie serait-il un moyen inavoué, pour l’opérateur, de financer la réduction du prix ? Un porte-parole de Numericable dément : « Le sujet crée une agitation sur le Net depuis quelques jours. Mais l’application de restrictions, limitées à des cas marginaux, n’est pas nouvelle. »
Un plafond de 15 heures et 450 SMS par mois
Mais une durée « raisonnable », ça veut dire quoi ? En fait, la sanction s’appuie sur une clause alambiquée du contrat de Numericable. Son article 3.7.1 (dans sa version du 23 janvier) fixe une limite à l’« illimité » : il s’agit de la « consommation moyenne » d’un abonné « issu[e] de la dernière publication par l’Arcep de l’Observatoire annuel des marchés, augment[é] d’une marge de 500 % pour les communications et d’une marge de 200 % pour les SMS ».
En se basant sur l’étude en question, on peut calculer que la limite s’établit à 14h36 d’appels par mois et 438 SMS. Seulement voilà, ce n’est pas si simple : « Cela va bien au-delà de ça, réagit le porte-parole de l’opérateur. On ne peut pas donner de limite précise, il y a une marge d’interprétation. »
Difficile, donc, de savoir comment Numericable fait ses comptes d’apothicaire. « J’ai consommé 14 heures, raconte Nasser. Et le service client m’a dit que j’étais à 120 % de la consommation autorisée. Inutile de vous dire que j’apprenais que mon illimité n’en était pas un… »
Des promesses, toujours des promesses !
Si cette clause a vu sa rédaction légèrement remaniée, elle figurait déjà dans le contrat au lancement de l’offre de Numericable, au printemps dernier. À l’époque, 60 Millions s’en était inquiété. « Aucun forfait ne sera coupé », avait alors promis l’opérateur (lire notre article du 20 mai 2011).
Les victimes peuvent saisir les services de la répression des fraudes. Même si la sanction s’appuie sur une clause du contrat, cela ne suffit pas à rendre la pratique totalement incontestable : l’administration ou la justice pourraient estimer que cela relève d’une pratique commerciale trompeuse (article L. 121-1 du code de la consommation ). Ce délit est passible de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 37 500 €.
Benjamin Douriez