Alimentation

Polémique sur l’abattage rituel hallal par égorgement

Abattage rituel hallal par 60 millions de consommateurs

Suite à la polémique lancée après la diffusion d’un reportage d’Envoyé spécial le 16 février 2012, nombre de consommateurs s’interrogent sur l’abattage rituel. 60 Millions répond à leurs principales questions.

1) Quelle est la proportion d’animaux abattus selon les techniques « rituelles » en France ?

En 2008, une enquête du ministère de l’agriculture révélait que 274 abattoirs français, soit 59 %, pratiquaient l’abattage dit « rituel » – c’est-à-dire l’abattage de l’animal vivant par égorgement, sans étourdissement dans la plupart des cas. Sur les 10 705 000 bêtes abattues en 2007, 32 % auraient été tuées selon une technique rituelle : 12 % des gros bovins, 13 % des veaux et 49 % des ovins et caprins.

Par « abattage rituel », il faut entendre saignée par égorgement réalisée en direction de La Mecque ou de Jérusalem par un sacrificateur musulman (viande halal) ou juif (viande casher). Généralement, cette mise à mort s’effectue sans étourdissement, mais ce n’est pas toujours le cas : pour les volailles, le recours à l’électronarcose (anesthésie par courant électrique) est admis en France. Dans certains pays, les autorités religieuses acceptent aussi que l’abattage des bovins et ovins se fasse après étourdissement, à condition que cela ne tue pas l’animal. C’est par exemple le cas en Allemagne, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande ou encore en Australie.

En Île-de-France, les cinq abattoirs en activité pratiquent exclusivement l’abattage rituel. Cela ne représente qu’une infime portion, de l’ordre de 2,5 %, de la viande distribuée dans la région. En effet, la grande majorité provient du marché international de Rungis ou d’autres filières, et donc d’abattoirs non franciliens.

Certains abattoirs décident de recourir au seul mode d’abattage rituel pour des raisons essentiellement économiques. Cela leur revient en effet moins cher d’utiliser une seule technique d’abattage plutôt que deux.

2) Les abattoirs ont-ils le droit d’écouler une partie de la viande halal ou casher dans la filière conventionnelle ?

Oui, aucun texte ne leur interdit. Et ils ont le droit de déroger à la réglementation de 1964 qui oblige à étourdir les animaux de boucherie avant la saignée (article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime).

Toutefois, à compter du 1er juillet prochain, les abattoirs devront obtenir une autorisation préalable lorsqu’ils souhaitent recourir à un abattage sans étourdissement. Selon le décret du 28 décembre 2011, ils devront mettre en place un système d’enregistrement permettant de « vérifier que l’usage de la dérogation correspond à des commandes commerciales qui le nécessitent ».

Concrètement, ce dispositif obligera les abattoirs à s’adapter à la demande. Il est censé faire disparaître la pratique consistant à « recycler » dans le circuit classique le surplus de viande issue de l’abattage rituel.

Cependant, il est probable que certaines parties de l’animal abattu sans étourdissement continueront à être écoulées dans les filières classiques. Ce sera par exemple le cas des parties arrière de la bête, qui sont interdites de consommation chez les Juifs et peu prisées des musulmans.

3) Comment savoir si la viande que j’achète est issue ou non d’un abattage rituel ?

Il n’y a pas d’obligation de traçabilité en matière de mode d’abattage. Vous n’avez donc pas la possibilité de savoir si le bœuf dont vous vous apprêtez à manger l’entrecôte a été abattu par égorgement avec ou sans étourdissement.

Quant à l’apposition de la mention « halal », elle relève d’une démarche purement volontaire de la part des abattoirs, distributeurs et bouchers. Mais, là aussi, l’opacité règne.

« L’étiquetage halal ne fait l’objet d’aucune réglementation, rappelle Florence Bergeaud-Blackler, chercheuse à l’Institut de recherche et d’étude sur le monde arabe et musulman (Iremam). N’importe quel organisme privé peut s’autodéclarer organisme de certification halal, et apposer des étiquettes garantissant que la viande a été abattue et conservée selon des méthodes islamiques. Il n’existe pas d’organisme de contrôle des certificateurs halal. »

4) La viande halal présente-t-elle la même qualité et les mêmes garanties sanitaires que la viande abattue de façon conventionnelle ?

Il n’existe pas de différence de qualité entre viande non halal et viande halal. La méthode d’abattage n’influe pas sur les qualités gustatives et organoleptiques de la viande.

Du côté de l’hygiène, les abattoirs pratiquant l’abattage rituel sont soumis aux mêmes contrôles vétérinaires et sanitaires que les autres. La viande halal est en théorie aussi saine que la viande non halal.

Cependant, la technique de l’égorgement réclame davantage de précautions. En sectionnant l’œsophage et la trachée d’un animal non étourdi, il existe un plus fort risque de projection du contenu gastrique sur les parties avant de l’animal, parties souvent utilisées pour les steaks hachés. Or, riche en bactéries, l’estomac est une source importante de contamination des carcasses. Et la technique du « parage », qui consiste à retirer avec un couteau la partie souillée de la viande, prend du temps et n’est pas toujours correctement pratiquée.

5) En achetant de la viande halal, est-ce que je finance un culte ?

Florence Bergeaud-Blackler estime que le prix de vente au consommateur, relativement bas, ne permet pas de financer autre chose que le coût de l’abattage et des contrôles. Mais elle reconnaît qu’il s’agit d’« une question complexe ».

Lorsqu’il pratique un abattage halal, l’abattoir doit faire appel à un sacrificateur, celui qui va effectuer le geste de mise à mort. Ce dernier doit obtenir une carte de sacrificateur auprès de l’une des trois mosquées agréées pour cela par l’État (Paris, Évry-Courcouronnes et Lyon). Cette carte valable un an coûte aux alentours de 150 €. On compte environ 700 sacrificateurs en France, ce qui représente quelques milliers d’euros pour les mosquées concernées. Une somme plutôt négligeable.

L’abattoir doit également faire appel à un certificateur. « L’immense majorité des organismes prétendant contrôler la viande halal ne rémunèrent que le travail de contrôle et ne versent rien au culte musulman », explique Florence Bergeaud-Blackler.

« Le contrôle et la certification halal représentent un coût important du fait de la présence effective de nos salariés sur les sites », assure l’Association rituelle de la grande mosquée de Lyon (ARGML), l’un des grands organismes de certification halal. Par exemple, en 2007, la masse salariale (salaires et cotisations sociales) de l’ARGML représentait près de 77 % de ses charges d’exploitation, et correspondait à 83 % du chiffre d’affaires réalisé. Le reste des charges était attribué aux frais de fonctionnement de l’association.

Cependant, certains organismes de contrôle peuvent verser des aumônes pour des activités religieuses. Mais comme ils ne sont soumis à aucune obligation de déclarer ce type de dons, il est impossible de connaître le montant que cela représente.

lien :  http://www.60millions-mag.com/2012/02/28/abattage-et-viande-halal-les-cinq-questions-que-vous-vous-posez-7784   

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