Viande de cheval : ce que l’on nous cache encore
Le scandale n’est pas terminé. De nombreuses conserves encore stockées chez les consommateurs peuvent contenir de la viande de cheval. Mais les professionnels traînent les pieds pour les informer. Parmi les produits concernés repérés par 60 Millions : du couscous Garbit, des cannellonis Auchan ou du corned-beef Hereford.
Combien de boîtes de conserve contenant de la viande de cheval demeurent dans les placards des Français ? Mystère… Une chose est sûre : il en reste, et les professionnels ne se bousculent pas pour nous dire lesquelles.
Depuis le début de l’affaire de la viande de cheval, 60 Millions établit méthodiquement la liste des produits concernés qui ont été retirés des rayons. La liste est mise à jour à partir des informations éparses publiées par les uns et les autres, et des recoupements réalisés par la rédaction.
Mais au fil des jours, le recensement devient de plus en plus difficile à réaliser, certaines marques ne souhaitant pas communiquer les références exactes des produits concernés. D’où cette incongruité : certains produits ne sont plus proposés à la vente, mais rien n’est fait pour informer les consommateurs qui en auraient acheté avant leur retrait.
Plus absurde encore : les distributeurs assurent que les consommateurs peuvent se faire rembourser les produits concernés, mais sans préciser lesquels.
Des infos sur les surgelés, pas sur les conserves.
La différence est nette entre la première vague de produits concernés – des produits surgelés (lasagnes, moussaka…) –, pour lesquels la liste des plats en cause a pu être établie rapidement entre le 10 et le 15 février, et la deuxième, qui concerne des plats en conserves.
La présence de viande de cheval dans des raviolis « pur bœuf » Panzani, fabriqués par William Saurin, était révélée fin février. Mais l’étendue du nombre de produits concernés par cette filière commence à peine à l’être.
Plusieurs conserves de marque Garbit, également fabriquées par William Saurin, sont aussi soupçonnées de contenir du cheval. En effet, selon nos informations, le couscous royal dans ses versions « poulet et bœuf » (boîte de 980 g) et « poulet, bœuf et merguez » (boîte de 760 g) et la moussaka en boîte ont été retirés des rayons par les distributeurs le 11 mars dernier. Garbit n’a pas retourné nos appels.
Motus et bouche presque cousue.
William Saurin, qui aurait été trompé par l’un de ses fournisseurs, fabrique aussi de nombreux produits vendus sous marques de distributeurs (MDD). Ceux-ci n’échappent pas au scandale, mais le fabricant n’a pas voulu nous en fournir la liste : « Nous avons averti toutes les marques dès que nous avons découvert de la viande de cheval. N’étant pas propriétaires des produits MDD, nous ne communiquons pas pour elles. »
Contactés par 60 Millions, Auchan, Carrefour et Casino ont confirmé avoir retiré des rayons des boîtes de raviolis ou de cannellonis vendus sous leur marque. Cora n’a pas répondu à nos questions ; des traces de viande de cheval ont pourtant été découvertes dans un produit de l’enseigne par nos confrères de Que Choisir. Lidl serait aussi concerné.
Autre filière, mêmes difficultés pour obtenir l’information : le 8 mars, la société Covi refusait de donner le nom du ou des produits de sa fabrication dans lesquels elle venait de découvrir du cheval. Si Covi produit surtout du corned-beef pour l’export, sous la marque Hereford, un lot incriminé a bien été commercialisé en France. Les références précises ont été ajoutées à notre liste.
Un message sibyllin.
À l’évidence, certains professionnels, affolés par la chute des ventes de plats préparés depuis le début de la crise, préfèrent désormais la discrétion. Nos visites dans plusieurs supermarchés de la région parisienne le confirment : bien souvent, les affichettes d’information concernant la viande de cheval sont encore visibles au rayon des surgelés. Mais pas au rayon conserves, malgré l’absence des produits incriminés.
Certains magasins pratiquent même le mensonge par omission. Ainsi ce supermarché Simply Market (groupe Auchan) des Yvelines indique-t-il à ses clients que ses cannellonis sont indisponibles « suite à des problèmes de qualité », sans plus de précisions. D’autres invoquent un « défaut d’étiquetage ».
Il est vrai que certains professionnels ont retiré leurs produits de la vente par précaution, avant même de recevoir les analyses confirmant la présence de viande de cheval à la place du bœuf. Il est vrai également que cette substitution ne présente pas de risque sanitaire avéré à ce jour.
Néanmoins, les consommateurs ont le droit de savoir. Si l’industrie agroalimentaire veut regagner la confiance des consommateurs, cela ne pourra pas se faire sans transparence.