Médicaments
Selon l’Académie de pharmacie, 5 % des médicaments commandés chaque jour en officine ne sont pas livrés. À l’hôpital, 10 % des références sont manquantes. Tous les niveaux de la chaîne sont concernés.
Depuis quelques années, les pharmaciens d’officine et des hôpitaux doivent composer avec des ruptures de stock de médicaments incessantes. Les causes sont multiples. La fabrication des matières premières, parfois concentrée dans une seule usine, peut être affectée par un défaut de qualité, empêchant l’approvisionnement des fabricants, alors dans l’incapacité de produire. Ces derniers peuvent aussi décider d’arrêter la commercialisation d’un médicament faute de rentabilité. Les bisbilles entre laboratoires et grossistes-répartiteurs ont aussi leur part dans la pénurie, les premiers rationnant les seconds afin de décourager l’exportation parallèle.
Au final, c’est le patient qui subit les aléas d’un système qui fonctionne en flux tendu. Tous les médicaments peuvent être concernés. Dans la plupart des cas, de nombreuses molécules équivalentes existant sur le marché, les solutions sont simples : « On se débrouille, explique Philippe Liebermann, pharmacien et membre de l’Académie de pharmacie. Quand un médicament manque, on téléphone aux confrères, on voit s’il est disponible chez un autre grossiste. Au pire on modifie le traitement avec l’accord du médecin. » Mais parfois, il n’y a pas d’alternative. « Actuellement, la phénytoïne pour traiter l’épilepsie est en rupture dans les pharmacies de ville », note le Dr Jean-Louis Descoutures, pharmacien hospitalier à Argenteuil. On l’importe donc d’Allemagne pour éviter des interruptions de traitement préjudiciables aux patients. À l’hôpital, la gestion des ruptures est un travail en soi : « La situation est grave, insiste le Pr Alain Astier, pharmacien à l’hôpital Henri Mondor de Créteil. On interrompt parfois le cours d’une chimiothérapie parce que le produit n’est pas disponible. Y a-t-il une perte de chance pour le patient ? Ça n’est pas mesuré. Mais une étude publiée dans le New England Journal of Medicine a montré que le remplacement du médicament de référence par un autre dans la maladie de Hodgkin avait entraîné 15 % de réponse en moins. »
L’Académie de pharmacie formule une foule de recommandations aussi bien pour s’attaquer au fond du problème que pour atténuer l’impact des ruptures sur les patients. Elle demande notamment qu’une liste de matières actives particulièrement sensibles (antibiotiques, anticancéreux, antirétroviraux, etc.) soit dressée, et que leur disponibilité soit garantie, si nécessaire par une relocalisation de leur production. Pour éviter les abandons de commercialisation, elle souhaite que le prix puisse être réévalué afin de garantir la rentabilité. L’Académie estime en outre que l’exportation des médicaments sans équivalent thérapeutique devrait être interdite. Au niveau des officines, il lui semble urgent de centraliser les informations sur les stocks disponibles chez les répartiteurs, et de faciliter la substitution, y compris sans l’accord du médecin prescripteur.