Alain Bazot
Président de l’UFC-Que Choisir
Effective depuis le 1er octobre, la nouvelle taxe de 35 € pour toute action en justice est révoltante. Prise isolément, elle constitue un renchérissement de l’accès à la justice ; regardée à la lumière des précédentes réformes judiciaires, elle parachève une politique d’éloignement des consommateurs de la justice.
En juillet, les parlementaires se sont livrés à un véritable réquisitoire contre la justice de proximité. Débattu l’été dernier, le projet de loi sur la répartition des litiges visait ni plus ni moins à supprimer les juges de proximité, discussion en cours jusqu’à présent. Si l’UFC-Que Choisir a toujours été réservée sur la mise en place de « juges de seconde zone », qui n’ont ni la formation ni le statut de magistrats, leur suppression ne saurait être admise. La création de ces juridictions était censée prendre le relais des tribunaux d’instance décimés au gré de la réforme de la carte judiciaire.
Mais, loin de se cantonner à cette remise en cause, les parlementaires ont décidé la création d’une nouvelle taxe de 35 € sur l’accès à la justice, destinée à financer la réforme de la garde à vue. De quoi dissuader encore plus les consommateurs de faire valoir leurs droits devant le juge dès lors que les sommes en jeu sont modestes. Alors que les professionnels sont déjà plus souvent à l’origine des saisines pour les litiges de consommation que les usagers, nul doute que cette taxe ne pourra qu’aggraver cette réalité déjà préoccupante.
Désormais, le gouvernement ne jure plus que par la médiation entre les parties, sans passer par les tribunaux. Un système qu’il entend généraliser à tous crins sans même garantir l’indépendance desdits « médiateurs ». Or, ces nouvelles voies de règlement des différends n’ont de sens que si une véritable alternative existe. Si une épée de Damoclès pèse véritablement sur la tête des professionnels qui savent que, s’ils ne jouent pas le jeu, le recours au juge peut effectivement être exercé. Or, avec un glaive transformé, réforme après réforme, en sabre de bois, la justice est de moins en moins dissuasive et la médiation un pis-aller ! Faut-il, avec Frédéric Lefèbvre et son projet de loi sur la consommation, miser sur l’application du droit par le biais d’un renforcement des pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), et donc une multiplication des amendes ? Si ce renforcement de la régulation administrative ne peut être critiqué, sous réserve de véritables moyens et de la nécessaire transparence d’une telle action, elle ne résout pas le sort des victimes qui ne sont pas indemnisées dans ce cadre-là ! La justice doit marcher sur ses deux jambes : l’action publique et l’action privée. À défaut, cela sous-entend que les consommateurs ne seraient pas des victimes comme les autres. Le constat, aujourd’hui, c’est qu’en situation de violation de leurs droits, les usagers sont de plus en plus face à une justice qui se dérobe.