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Assurance vie l’action en restitution de l’Afer touche à sa fin

Assurance vie l’action en restitution de l’Afer touche à sa fin

Seize ans après l’éclatement du scandale de l’Afer, plus de 50 000 adhérents ont enfin obtenu gain de cause dans l’action en restitution d’une partie des fonds détournés par les fondateurs de la célèbre Association française d’épargne et de retraite. Retour sur un combat collectif de longue haleine.

La décision de la cour d’appel de Versailles ordonnant, le 6 juillet dernier, la restitution à plusieurs dizaines de milliers d’adhérents de l’Afer une partie des sommes détournées à leur insu et confisquées par l’État a été saluée comme une « victoire historique » par Gérard Bekerman, président de l’emblématique association d’épargnants (plus de 50 milliards d’euros d’encours d’assurance vie). Non sans raison. Elle clôt de longues années de procédure. Et devrait tourner la page de l’un des plus gros scandales de l’épargne française.

Spoliation
Pour rappel, l’Afer, cofondée en 1976 par Gérard Athias (récemment décédé), a incontestablement contribué à la modernisation du marché de l’assurance vie.  À cette époque, passer par un contrat associatif était le seul moyen de profiter d’une certaine liberté de tarifs tout en échappant à la taxe prélevée à l’époque sur les contrats individuels. Plus lisible et moins coûteux, le contrat de l’Afer souscrit par l’association auprès de la compagnie La Paix (fondue ensuite dans L’Abeille puis Aviva) a rapidement connu le succès. Aujourd’hui encore, il se situe parmi les plus performants du marché (3,05 % servi en 2015 sur son fonds en euros).

Gérard Athias devient alors l’un des porte-parole vedettes de la défense des assurés. Mais en décembre 2000, la révélation par le courtier François Nocaudie d’une obscure affaire de rétrocommissions sur frais change la donne. On apprend ainsi que fin 1986, Gérard Athias et un autre fondateur, André Le Saux, avaient décidé, en accord avec l’assureur mais sans en informer les adhérents, de créer une société de courtage, la SNC Sinafer. Détenue à 90 % par les deux dirigeants, cette structure leur a permis d’engranger au fil des ans près de 129 millions d’euros au titre des commissions perçues sur les contrats (montant estimé par la justice sur la base des primes versées par les adhérents entre décembre 1986 et fin juillet1997). Mis en examen, les deux hommes sont renvoyés devant le tribunal correctionnel à l’issue d’une instruction qui a fait couler beaucoup d’encre. Le scandale a durablement déstabilisé l’Afer. Entre 2001 et 2005, pas moins de cinq présidents se sont succédé à sa tête au gré d’alliances qui se nouaient un jour pour mieux se défaire le lendemain. En 2007, la reprise en mains de l’association par Gérard Bekerman siffle la fin de partie.

Parcours du combattant
Le 2 décembre 2009, la Cour de cassation confirme le jugement de Gérard Athias et d’André Le Saux pour abus de confiance : 92 millions d’euros sont exigés au titre des sommes détournées, mais moins d’un tiers de cette somme est effectivement saisi. Une première tentative de médiation engagée par l’association en 2010 afin que les adhérents lésés puissent récupérer leur dû échoue. L’Afer opte alors pour le dépôt, devant la cour d’appel de Paris, d’une requête en restitution au nom de plus de 55 000 adhérents lui ayant donné mandat. Cette demande, jugée irrecevable car apparentée à une « class action » (la loi Hamon de mars 2014 introduisant l’action de groupe n’est pas encore votée)  , est d’abord rejetée. Mais l’Afer ne lâche pas prise. Elle se pourvoit en cassation et, dans un arrêt rendu le 20 mai 2015, la haute juridiction lui donne raison en reconnaissant le bien-fondé de ce mandat. Définitivement entérinée par la cour d’appel de Versailles le 6 juillet 2016, la restitution porte sur 17,3 millions d’euros. Selon les calculs des avocats de l’association, ce montant, intérêts compris, dépasserait 27 millions d’euros, et les adhérents concernés (un peu plus de 50 000 du fait des décès intervenus entre-temps) devraient, après établissement du préjudice subi par chacun, récupérer à titre individuel des sommes très variables (moins de 15 € pour certains et jusqu’à plusieurs milliers d’euros pour d’autres).

Action de force ?
La technique du mandat s’est révélée « très efficace pour exercer une action collective sans passer par les arcanes compliquées et restrictives imposées par la loi de 2014 », remarque Me Olivier Pardo, avocat de l’association, dans une interview donnée au journal « Les Échos ». Quoique non envisageable au moment où la requête en restitution a été enclenchée, une action de groupe à la française aurait cependant le mérite aujourd’hui d’élargir le champ de l’indemnisation à tous les adhérents concernés par le détournement de fonds de l’Afer (et pas seulement aux mandants). Les avocats associés Nicolas Lecoq-Vallon et Hélène Féron-Poloni, qui accompagnent l’UFC-Que Choisir dans l’action de groupe engagée à l’encontre de BNP Paribas dans le cadre de la vente de son produit BNP Garantie Jet 3 ,déplorent d’ailleurs que l’Afer n’ait pas davantage poussé ses adhérents à « se retourner contre l’assureur qui, au nom du principe de solidarité qui ressort des articles L.141-6 et L.511-1 du code des assurances, aurait dû provisionner la somme correspondant au préjudice subi ». Cette remarque pose en creux la délicate question de l’indépendance réelle des associations d’assurés vis-à-vis de leurs partenaires assureurs. Celle-ci a récemment fait l’objet d’un amendement dans le cadre de la loi Sapin 2 en cours d’examen, qui, s’il est avalisé, pourrait donner davantage de poids aux adhérents.

Laurence Delain-David

source https://www.quechoisir.org/

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