Dossier Avastin suite. Il est disponible aujourd’hui
La saga de l’Avastin n’est pas terminée, puisque le laboratoire Roche conteste devant le Conseil d’État l’autorisation d’utilisation dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge. En attendant les décisions de justice, il peut être prescrit à partir d’aujourd’hui. Il fera économiser beaucoup d’argent à l’assurance maladie.
Aujourd’hui est un jour à marquer d’une pierre blanche. Un peu plus de 3 ans après avoir été interdite par le ministère de la Santé, l’utilisation de l’Avastin (bevacizumab) dans le traitement de la forme humide de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est officiellement autorisée. Les médecins vont pouvoir le prescrire, d’abord pour administration en milieu hospitalier puis, à moyen terme, dans les cabinets d’ophtalmologie en ville.
Avant d’en arriver là, l’Avastin (bevacizumab) aura connu beaucoup de hauts et de bas. L’efficacité en ophtalmologie de cet anticancéreux a été découverte par hasard, en 2009. Ne disposant pas d’une autorisation en bonne et due forme dans la DMLA, il a d’abord été administré de façon informelle. Pour les médecins, cette molécule présentait un avantage de taille : par rapport au seul traitement officiel alors disponible, le Lucentis (ranibizumab), elle revenait beaucoup moins chère. De 30 à 50 € la dose, contre plus de 1 000 € à l’époque : à efficacité comparable, le calcul était vite fait. Mais les autorités de santé ne l’entendaient pas de cette oreille. Elles ont mis le holà en juillet 2012, car l’Avastin nécessitait, avant d’être injecté, d’être reconditionné en seringues, d’où des risques de contamination et d’infection de l’œil.
Le laboratoire Roche derrière l’Avastin et… le Lucentis !
Le bannissement dure 2 ans. Finalement, le ministère de la Santé change d’avis en 2014 sous la pression de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Il reconnaît l’intérêt de l’Avastin dans la DMLA, sous réserve de respecter strictement le protocole de sécurité. Reste à trouver un cadre légal d’utilisation. Car, paradoxalement, Roche, le fabricant de l’Avastin, fait barrage. Il n’a pas l’intention de demander l’homologation de son médicament dans la DMLA. Et pour cause : la start-up qui a développé le Lucentis, le traitement concurrent qui rapporte gros, lui appartient.Roche a plutôt intérêt à ce que les ophtalmologistes aient recours au Lucentis, et n’entend pas faciliter l’essor de l’Avastin. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dégaine alors une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). Cette procédure permet d’utiliser un traitement en dehors de ses indications officielles, même si le fabricant traîne des pieds. Elle entre en vigueur aujourd’hui. Roche la conteste devant le Conseil d’État, dont une première décision est attendue le 15 septembre prochain.
Pour l’assurance maladie, l’opération s’annonce financièrement intéressante. Le Lucentis lui coûte plus de 400 millions d’euros par an. L’impact de la RTU ne sera pas visible tout de suite, car l’Avastin sera dans un premier temps prescrit à petite échelle. Mais à terme, l’économie sera réelle. Une seringue de Lucentis coûte 750 €, pris en charge à 100 %, à quoi il faut ajouter 86 € pour l’administration ; une dose d’Avastin sera facturée à la Sécurité sociale un peu moins de 400 €, préparation et injection comprises. Les hôpitaux auront aussi intérêt à passer à l’Avastin : une injection de Lucentis ne leur est remboursée que sur la base de 86 € par l’assurance maladie, alors qu’ils toucheront un forfait de 380 € pour l’administration de l’Avastin.