GuestsEvents Conventions des milliers de fans plumés
L’un des plus gros organisateurs français de conventions – ces événements qui donnent l’occasion de rencontrer ses stars favorites – a mis la clé sous la porte .Assurant être criblées de dettes, les gérantes se refusent à rembourser des prestations achetées à prix d’or par les fans, souvent jeunes. C’est la seconde fois cette année que le secteur des conventions fait face à une telle situation.
Le réveil a été brutal pour de nombreux jeunes qui pensaient réaliser leur rêve. Le vendredi 21 octobre, l’un des plus grands organisateurs de conventions en France, la société Eurogil, qui opère sous le nom GuestsEvents Conventions, annonce via un message publié sur Facebook que « les caisses sont vides » et que tous les événements à venir sont annulés. Or, de très nombreux fans ont déjà dépensé des centaines d’euros pour rencontrer leurs stars préférées de la télé, du cinéma ou d’autres divertissements, et éventuellement acheter à prix d’or des « extras » pour une photo, un autographe ou autre.
L’annonce de la fermeture de GuestsEvents (GE) a entraîné un déferlement de réactions de fans demandant le remboursement des prestations achetées pour les événements annulés. Le jour de l’annonce, il était encore possible d’acheter des « extras » sur leur site, avant qu’il ne soit fermé. Les remboursements ? Un sujet passé sous silence dans le message annonçant que « tout est terminé ». Et pour cause : certains fans attendent déjà depuis des mois des remboursements pour des conventions annulées en 2015.
Plusieurs centaines de personnes sont concernées, pour un préjudice estimé à près d’un demi-million d’euros. Une première liste de 803 victimes, regroupées en vue d’une action en justice commune, cumule déjà 435 026 euros de préjudice. Sur Facebook, un autre groupe rassemble 1 600 victimes, dont beaucoup se disent « peu surprises » de cet épilogue.
En se regroupant sur les réseaux sociaux, les fans ont compris le système mis en place par GE : multiplier les conventions pour éponger les dettes laissées par les événements précédents. Si l’une d’elles risquait de ne pas attirer suffisamment de monde, elle était annulée sous des prétextes fallacieux. « J’ai remboursé au fur et à mesure que je pouvais et après, je me disais que chaque événement organisé pouvait peut-être m’amener un peu de liquidités », a expliqué la cogérante de la société, Brigitte Gillet, au journaliste Stéphane Larue, le 22 octobre(1). Elle affirme ne pas avoir trouvé d’assureur acceptant de couvrir son activité.
Cette course à l’échalote a pris fin avec un redressement fiscal, qui a été « le coup de grâce » selon les mots de GE. Selon nos informations, le fisc réclamerait 200 000 € à Eurogil, dont le chiffre d’affaires s’est élevé en 2013 à 1,1 million d’euros et à 1,3 million d’euros en 2014.
Mauvaise gestion ou escroquerie ?
La société annonce qu’elle se donne jusqu’au 15 novembre pour décider d’une liquidation judiciaire s’il n’y a pas de repreneur et qu’elle ne trouve pas le moyen de rembourser qui que ce soit. Mais les fans s’interrogent : que sont devenus les 450 000 € versés pour des conventions jamais organisées ? Cette semaine, de nombreux acteurs ont annoncé n’avoir jamais été payés pour des conventions passées ou à venir. D’autres disent n’avoir jamais été contactés pour des conventions dans lesquelles ils étaient annoncés en tête d’affiche. D’autres organisateurs de conventions indiquent aussi avoir accordé des prêts financiers à GE. Les Néerlandais de The Con Convention ont intenté – et gagné – en décembre 2015 une action en justice suite au non-remboursement d’un prêt de 20 000 € accordé pour l’organisation d’une convention où GE espérait récupérer « 80 000 € en liquide ».
Interrogées par « Que Choisir », des victimes font aussi part de pratiques troublantes lors des conventions. Les paiements par chèque devaient, selon ces témoignages, être adressés à une autre société, DreamsEvents, « et jamais par courrier recommandé ». Lors d’une convention, des « problèmes » avec les terminaux de paiement par carte bancaire auraient été prétextés pour inciter les fans à payer en liquide.
Une enquête a été ouverte par la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) du Val-d’Oise. Suite au déménagement de GuestsEvents, le dossier a été transféré de la DDPP de Seine-Saint-Denis, qui invite les victimes à se faire connaître.
Un précédent en Mai
Le cas GuestsEvents n’est pas une première. Le 4 mai, l’association SoSweetSensation annonçait sur les réseaux sociaux l’annulation d’une convention consacrée à la série « Grey’s Anatomy » et promettait « des informations prochainement par e-mail » concernant les remboursements. Depuis, aucune nouvelle. « Les responsables ont disparu du jour au lendemain, mais il n’y a aucun recours contre eux, car il s’agit d’une association à but non lucratif et non d’une société », explique un connaisseur du milieu des conventions. Le préjudice est, cette fois, estimé à 30 000 €.
Ces deux fermetures sont symptomatiques d’un secteur qui, s’il brasse énormément d’argent, ne s’est pas professionnalisé. « Il y a un grand dépoussiérage à faire », explique Sylvie Barrière, animatrice depuis un an d’un groupe Facebook regroupant 200 victimes. La plupart des acteurs du secteur « ne sont pas des professionnels, ce sont des fans : on se retrouve avec des conditions générales de ventes (CGV) copiées-collées d’un site à l’autre », poursuit-elle.
Par exemple, les CGV de ces conventions indiquent généralement que si un événement est reporté, le billet ne peut pas être remboursé. De même, si un acteur annule sa venue, les « extras » achetés par les fans sont reportés sur un autre invité. « C’est comme si vous achetiez un billet pour aller voir Johnny Hallyday le 12 décembre et que vous vous retrouviez avec un billet pour Michel Sardou le 5 février », compare Sylvie Barrière.
Elle indique néanmoins avoir été contactée par plusieurs organismes cette année pour mettre à jour leurs CGV. « Je n’ai jamais entendu des fans se plaindre d’autres organismes. Ils ont des clauses noires dans leurs CGV, mais tant qu’ils ne les appliquent pas… »
Virginie Roubaud, qui a été l’une des premières victimes à alerter les internautes sur les pratiques de GE, confirme : « Les autres organismes de conventions sont désemparés et très en colère, car la plupart ont été victimes de GE. GE a longtemps été le plus gros organisme de France en abusant des uns et des autres, mais ce n’est pas le cas des autres organisateurs », assure-t-elle.
NOTES
(1) Contactées par « Que Choisir » par courriel, sur Facebook et par téléphone, les deux gérantes de GuestsEvents Conventions n’ont pas donné suite à nos sollicitations.
Morgan Bourven