Indépendance des experts de la santé, on est loin du compte !
Depuis le scandale du Mediator, la réglementation s’est durcie pour limiter l’influence de l’industrie pharmaceutique sur les décisions de santé publique. Mais un rapport de la Cour des comptes montre que la loi a laissé une trop grande marge d’interprétation.
Sept ans après le scandale du Mediator, cinq ans après la loi censée favoriser la transparence et l’indépendance des professionnels de santé, la Cour des comptes a fait le bilan des mesures prises. Le résultat ? Pas fameux. La réglementation a laissé trop de questions en suspens. Exemple : alors qu’elle prévoit que les professionnels de santé déclarent les avantages qu’ils tirent de leur proximité avec les labos, les rémunérations liées à des contrats de prestations (intervention d’un grand ponte lors d’un congrès, action de formation) ont été exclues de l’obligation de transparence. Or ces contrats brassent des sommes importantes, qui se sont donc retrouvées opportunément occultées. Pendant que les plus petits montants, comme des notes de restaurant ou d’hôtel, étaient, eux, minutieusement portés à la connaissance du public… Il a fallu une décision du Conseil d’État, en février 2015, pour corriger cette interprétation arrangeante. La loi de modernisation du système de santé récemment votée rectifie aussi le tir, mais la Cour des comptes veut aller plus loin : par souci de cohérence, la publication de ces rémunérations devrait remonter à 2012. L’idéal serait par ailleurs que toutes les déclarations soient rassemblées sur un seul site Internet, pour que la consultation par le grand public en soit facilitée. Mais il faudra patienter un peu : faute de moyens, le site unique ne sera pas opérationnel avant 2017.
Bien étrange Comité économique des produits de santé
L’autre gros point noir concerne la notion même de lien d’intérêt. Normalement, tout membre d’une instance ou commission à la Haute autorité de santé (HAS) ou à l’Agence du médicament (ANSM) qui a un lien avec l’industriel concerné par la discussion doit se retirer. Seuls les experts « extérieurs », invités ponctuellement, bénéficient d’une forme de tolérance, en fonction de la force de leurs liens. Sur le terrain, cette indulgence a été étendue à des membres d’instance qui n’avaient pas la qualité d’expert extérieur et qui auraient, normalement, dû se dédire. La Cour des comptes appelle logiquement à faire respecter « rigoureusement » la règle du « déport » systématique.
Enfin, le cas du Comité économique des produits de santé (CEPS), cette véritable boîte noire qui décide dans le secret le plus total des prix des médicaments de prescription, est analysé. Le Cour des comptes note que, contrairement à d’autres organismes, cette instance ne publie pas les débats, il est donc impossible de « de vérifier si l’intérêt public prévaut dans tous les cas ». Sachant l’enjeu que représente la fixation du prix des médicaments, il serait pourtant bon d’avoir la certitude que la santé publique, et non la santé économique des laboratoires, est bien la priorité. Cette question a toutes les chances de rebondir, avec l’obligation d’intégrer dans les rangs du CEPS des représentants des usagers du système de soins.