Santé

La transparence en santé

Décret sur la transparence en santé : opacité inacceptable sur les contrats des soignants avec les firmes

Publié le 22 mai 2013, le décret relatif à la transparence des relations entre les firmes et les autres acteurs de la santé (alias décret « sunshine », en référence à la loi étatsunienne) vide la loi « Sécurité du médicament » adoptée fin 2011 d’une partie de son sens.
Le décret ne permettra pas au public de connaître les montants des contrats passés entre les firmes et les acteurs de la santé, ni même l’existence de tous les contrats.
Le Collectif Europe et Médicament déplore que le décret « transparence » manque ainsi son objectif de prévention des scandales sanitaires liés à des conflits d’intérêts.
Le désastre Mediator° en 2010, puis plusieurs autres scandales sanitaires notamment celui lié aux pilules de 3e et 4e générations fin 2012, ont révélé les conséquences sanitaires désastreuses d’une trop grande proximité des « experts » et des autorités sanitaires avec les firmes pharmaceutiques.
La loi « sécurité du médicament » adoptée en décembre 2011 était déjà bien en deçà des propositions des Assises du médicament, des rapports des missions d’information parlementaires et des rapports d’enquête sur le Mediator°. Un de ses décrets d’application, celui visant à éviter les conflits d’intérêts entre les firmes et les autres acteurs de la santé en rendant publics les cadeaux reçus et l’existence de conventions, a enfin été publié ce 22 mai 2013, plus d’un an après l’adoption de la loi.

Opacité totale sur les « prestations de service » des leaders d’opinion.

La loi « Sécurité du médicament » prévoyait que l’existence de l’ensemble des conventions conclus entre les firmes et les autres acteurs de santé soit connue (a). Pourtant, le décret exclut de l’obligation de publication l’existence de contrats entre les firmes et d’autres acteurs de santé facturant aux firmes des « prestations de service » (b).
Avec cette exception, les professionnels de santé les plus liés aux firmes sont dispensés d’être transparents quant à leurs liens d’intérêts alors que ce sont justement eux qui exercent une influence sur leurs confrères, le grand public, et en tant qu' »experts » dans divers groupes de travail. Il suffira ainsi à un leader d’opinion (c) de facturer une « prestation de service » à une firme pour que la firme échappe à l’obligation de signaler publiquement l’existence d’un contrat !
De plus, le décret ne prévoit pas la publication du montant des contrats : seule leur existence doit être signalée, en précisant l’« objet de la convention, formulé dans le respect des secrets protégés par la loi, notamment du secret commercial et industriel » et sa durée.
> Le Collectif Europe et Médicament déplore que le décret « transparence » réduise l’esprit de la loi « Sécurité du médicament » à une banale loi « anti-cadeaux », manquant son objectif en termes de prévention des scandales sanitaires liés à des conflits d’intérêts.

Pas de transparence au premier euro.

Avec ce décret, les avantages procurés par les firmes aux professionnels de santé et aux étudiants, avec leur nature et leur montant, seront rendus publics à partir de 10 euros dès octobre 2013, et de manière rétroactive sur l’année 2012. C’est mieux que ce que prévoyaient les projets de décret (seuil prévu à 60 euros, nature et montant non précisés, etc.) (3).
Cependant, l’influence inconsciente des « petits cadeaux » est démontrée. Stylos, petits déjeuners offerts lors des staffs hospitaliers, etc., contribuent à entretenir un climat de proximité et de bienveillance envers le donateur (4). Et aux entreprises qui se plaignent de la « lourdeur » des mesures de transparence, une réponse pragmatique est : arrêter les cadeaux et versements qui coûtent tant au système de soins.
> Le Collectif Europe et Médicament se réjouit qu’avec ce décret la portée de la loi dite « anti-cadeaux » de 1993 soit enfin étendue aux étudiants, comme le prévoyait la loi « Sécurité du médicament ». Il regrette cependant que la transparence ne soit pas « au premier euro », aucun cadeau d’une firme à un soignant ne devant être considéré comme « normal ».

Un site internet public unique bienvenu, mais aux modalités encore floues.

Un progrès apporté par le décret est la mise en place d’un site internet public unique pour centraliser la mise à disposition des déclarations en ligne. Par contre, ce site ne sera mis en place que suite à un arrêté du Ministère de la santé devant « détermine[r] les conditions de fonctionnement du site », après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), et aucune date pour la mise en oeuvre effective de ce site unique n’est précisée.
Il n’est pas non plus précisé si ce site permettra d’effectuer des recherches (par exemple, par professionnel de santé ou par organisation, par profession ou par spécialité, par firme, par région géographique, et/ou en croisant ces informations). Ces recherches sont pourtant rendues indispensables en raison d’une mesure particulièrement préjudiciable à la transparence du décret, prise à la demande de la CNIL : « la protection des (…) données directement identifiantes contre l’indexation par des moteurs de recherche ».
La durée de publication des déclarations est de 5 années seulement à compter de leur mise en ligne, alors que Mediator° a été retiré du marché français en 2009 après 30 années d’exposition des patients à ses effets indésirables…
> Le Collectif Europe et Médicament appelle le Ministère de la santé à prendre rapidement l’arrêté qui devra « détermine[r] les conditions de fonctionnement du site » conditions devant assurer un véritable accès à la transparence des liens d’intérêts.
Le Collectif Europe et Médicament demande notamment à ce que :
– les déclarations, même si elles ne sont plus accessibles en ligne, soient archivées pendant au moins 30 ans, et accessibles sur demande notamment afin de permettre d’enquêter en cas de désastre sanitaire ;
– les recherches d’informations, par professionnel de santé ou par organisation par exemple, soient possibles

la suite : http://www.prescrire.org/fr/3/31/48599/0/NewsDetails.aspx

Articles relatifs

La population toujours en doute avec le générique concernant sa fabriquation

Michel Texier

La qualité des merguez en 2016 par la DGCCRF

Michel Texier

Produits « transformés en France ou élaborés en France » ne veut pas dire « produits français »!!!

Michel Texier