Alors que la protection des données personnelles est une préoccupation majeure des consommateurs, l’UFC-Que Choisir, compte tenu des risques que fait peser l’accord transatlantique sur la protection des données personnelles (Privacy Shield), intervient en soutien de deux recours en annulation contre cet accord.
Après l’invalidation en 2015 par la Cour de justice de l’Union européenne de l’accord encadrant le transfert de données entre les Etats-Unis et l’Europe, le « Safe Harbour », compte tenu du niveau de protection insuffisant des consommateurs européens, l’Union européenne a négocié un nouvel accord avec les Etats-Unis, le Privacy Shield. Cet accord a été adopté le 8 juillet 2016, malgré les inquiétudes formulées par le Parlement européen, plusieurs gouvernements, les CNIL et les associations de consommateurs européennes.
Loin de renforcer significativement le cadre juridique du transfert des données personnelles aux Etats-Unis et d’offrir un niveau de protection « adéquate », comme exigé par les textes communautaires, le nouvel accord n’offre qu’une protection lacunaire aux ressortissants européens :
- L’admission d’une collecte massive et indifférenciée des données personnelles par les services de renseignements américains
Les lois américaines autorisent encore aujourd’hui, malgré les critiques formulées dans le cadre de l’invalidation du Safe Harbour, la collecte massive d’information par la NSA et les services de renseignement américains auprès des entreprises détentrices de données personnelles, incluant des données de consommateurs français qui ont été transférées aux Etats unis.
Bien que le gouvernement américain se soit moralement engagé à réduire cette collecte autant que possible, aucune mesure concrète n’a encore été mise en place pour limiter ces traitements de données personnelles.
Cette situation est d’autant plus inquiétante que les autorités américaines sont aussi autorisées, sur la seule base de vos données personnelles, à rendre des décisions susceptibles de produire des effets juridiques préjudiciables à votre égard. Ainsi, suite à l’envoi d’un message privé sur Facebook, exprimant une opinion politique ou critiquant la collecte à tous crins des données par les multinationales américaines, vous pourriez vous voir interdire l’entrée aux Etats Unis par les autorités américaines !
Un ersatz de droit au recours pour les consommateurs européens
Alors que le droit européen exige un droit au recours effectif et un accès à un tribunal impartial, le dispositif de réclamation prévu par le Privacy Shield est stratifié et complexe… Le principal recours en cas de décision préjudiciable rendue par les autorités américaines à l’encontre d’un ressortissant européen, est un médiateur… nommé par le Secrétaire d’état américain.
Enfin, le droit de s’opposer à un traitement est prévu uniquement en cas de «modification substantielle de la finalité du traitement », alors même que le droit européen offre le droit de s’opposer à un traitement de ses données personnelles à tout moment, aussi bien lors de la collecte, qu’en cours de traitement de données personnelles.
Dans le contexte de mondialisation des échanges et de transfert des données vers des Etats avec des niveaux moindres de protection que le niveau européen, ces risques sont loin d’être théoriques comme l’a souligné récemment l’association s’agissant de la collecte de données via des jouets connectés ou des applications mobiles et leur transfert vers les Etats-Unis.
Au vu de ces éléments inquiétants, deux recours en annulation ont été déposés en septembre 2016 devant le Tribunal de l’Union européenne : l’un par le ‘Digital Right Ireland’, groupe lobbyiste Irlandais de défense de la vie privée sur Internet, l’autre par les ‘Exégètes amateurs’, groupe de travail regroupant trois associations françaises.
Dans la mesure où le Privacy Shield n’apporte aucune garantie réelle quant au respect de leurs libertés individuelles et de leurs droits fondamentaux des consommateurs français et européens, l’UFC-Que Choisir a donc décidé de soutenir ces demandes d’annulation du Privacy Shield devant le Tribunal de l’Union européenne.