Médicaments vrais et faux, les intrus en pharmacie
En pharmacie, de plus en plus de produits ont tout l’air de médicaments, mais n’en sont pas. Le spray « Humer Nez très bouché, Sinusite, Rhume », par exemple, a l’apparence d’un médicament alors qu’il s’agit d’un dispositif médical. La différence n’est pas anodine. Le statut de dispositif médical est beaucoup moins contraignant pour les fabricants. Les consommateurs achètent donc un produit qu’ils pensent efficace alors que ce n’est pas garanti.
À l’occasion de la vague de froid et de nez bouchés, vous croiserez peut-être en pharmacie des produits comme le remède contre la toux « Toplexil Phyto », le sirop pour enfant « Petit Drill toux sèche » ou le spray « Humer Nez très bouché, Sinusite, Rhume ». Tout porte à croire que ce sont des médicaments : ils sont fabriqués par des labos pharmaceutiques connus (Sanofi, Urgo, etc.) ; ils sont vendus par des professionnels en blouse blanche ; ils sont parfois fournis avec des dispositifs doseurs comme des pipettes graduées ; ils disent aider à se soigner, soulager la toux ou le rhume ; ils portent un nom proche de celui de médicaments existants (Drill, Toplexil, Humer pour Humex) et leur emballage rappelle furieusement leurs cousins médicaments. Et pourtant, ce ne sont pas des médicaments. Ce sont des dispositifs médicaux. Ils rejoignent ainsi le sérum physiologique, les thermomètres ou les lentilles de contact…
Plus qu’un détail réglementaire
Cette différence réglementaire peut sembler sans importance. Mais elle ne l’est pas. Le statut de dispositif médical est en effet beaucoup moins contraignant pour son fabricant. Pour pouvoir commercialiser un médicament, il faut fournir un épais dossier aux autorités sanitaires, prouvant l’efficacité et l’innocuité, en vue d’obtenir une autorisation de mise sur le marché. Pour commercialiser un dispositif médical, le fabricant doit obtenir un « marquage CE » auprès d’un organisme certificateur. Ce type d’établissement, privé, n’est pas toujours très regardant sur les questions de sécurité – comme l’a malheureusement illustré le scandale des prothèses mammaires PIP. Et contrairement à un médicament, il n’est pas exigé de fournir des essais cliniques comme preuves de l’efficacité.
Faux nez de la pharma
Ainsi, les consommateurs vont acheter en pharmacie ces produits, pensant qu’ils sont contrôlés comme des médicaments, avec un minimum de garantie d’efficacité, alors qu’il n’en est rien.
Ces dispositifs médicaux n’ont toutefois pas que des inconvénients. Ils renferment des substances plutôt inoffensives comme liquide visqueux (glycérol dans Petit Drill), des extraits de plantes (thé vert pour Humer – Nez très bouché) ou de miel (Toplexil Phyto). Ils entraînent donc, a priori, peu d’effets indésirables, contrairement à leur alter ego médicamenteux. En tant que dispositifs médicaux, ils ne doivent pas avoir d’action pharmacologique. Ils sont censés n’avoir qu’une action mécanique : par exemple apaiser la gorge irritée par la toux en la tapissant.
L’Agence du médicament étudie le dossier
Cette frontière soulève néanmoins plusieurs questions. D’abord celle de la conformité : ces produits n’ont-ils effectivement pas d’action pharmacologique ? Dans quelle mesure le thym et le miel du Toplexil Phyto n’exercent-ils pas les effets antiseptiques pour lesquels ils sont connus ? Si c’était le cas, ne devraient-ils pas être requalifiés en médicament ? L’ANSM, l’agence française du médicament, nous a indiqué « travailler sur ce dossier pour vérifier s’il s’agissait bien d’un dispositif médical ».
Inversement, si ces produits n’ont effectivement aucune action pharmacologique, le consommateur peut se poser la question de leur intérêt ! Pourquoi payer plus cher un produit alors que l’on peut se préparer, aisément et à moindre coût, une tisane de thym au miel maison, qui présentera de plus l’avantage d’être chaude ?
Enfin, la confusion savamment entretenue entre ces dispositifs médicaux et les médicaments pourrait avoir pour effet délétère de favoriser une mauvaise prise du médicament. Le sirop contre la toux Petit Drill Tout sèche est ainsi proposé pour les nourrissons à partir de 3 mois. Si par une nuit aux yeux cernés, les parents se trompent et prennent la bouteille de sirop Drill Toux sèche Enfants, ils risquent d’administrer une dose dangereuse de dextrométhorphane à leur bébé, alors que le produit ne doit jamais être donné aux moins de 6 ans.
Distinguez-les !
Pour différencier un médicament d’un dispositif médical, reportez-vous à l’emballage. Sur la boîte d’un médicament vous trouverez en toutes lettres « Médicament autorisé no » suivi d’un nombre à 13 chiffres. Sur celui d’un dispositif médical, vous verrez le logo