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Moteur Volkswagen et maintenant la surconsommation d’huile

Moteur Volkswagen et maintenant la surconsommation d’huile

Après les révélations concernant la tricherie sur la pollution de ses moteurs Diesel, Volkswagen doit affronter une crise de fiabilité sur des moteurs essence bien trop gourmands en huile.

David P. aime les belles autos. Fin 2012, il s’est fait plaisir en faisant l’acquisition d’une Audi TT 1.8 TFSI (essence) de 160 chevaux. Ce coupé a tout pour plaire, à l’exception de son voyant rouge de niveau d’huile qui s’allume souvent ! Ce signal d’alarme exige une action immédiate, faute de quoi le moteur risque de graves dommages. Consciencieux, David complète donc son niveau d’huile. Pourtant, à peine quelques centaines de kilomètres plus tard, le voyant se rallume à nouveau, ce qui oblige à embarquer en permanence un bidon de lubrifiant. Une habitude que les automobilistes modernes ont perdue. La belle TT n’affiche que 65 000 km au compteur et a toujours fait l’objet d’un suivi technique scrupuleux dans le réseau officiel Audi. À 15 000, 30 000, 45 000 et 60 000 km, son carnet d’entretien est exemplaire. David finit par demander un diagnostic à un garage Volkswagen (du même groupe qu’Audi) parisien. Le devis de remise en état se chiffre en milliers d’euros ! L’opération annoncée requiert l’entier démontage du moteur pour en remplacer le cœur : les pistons, leurs segments et les chemises. Stupéfait, notre consommateur mène l’enquête sur Internet et découvre que l’anomalie qui touche son auto est loin d’être un cas isolé.

De nombreux cas signalés.
Beaucoup de forums pointent la surconsommation d’huile de ces moteurs Volkswagen à essence. En France, plusieurs sites spécialisés dans l’auto s’en font l’écho. Aux Pays-Bas, des usagers se sont regroupés pour négocier en position de force avec le groupe Volkswagen (VW). Aux États-Unis, une « class action » (action de groupe de droit américain) a été diligentée en 2012 au sujet de l’appétit anormal en lubrifiant de certains modèles Audi à essence. Volkswagen a reconnu ce défaut majeur. La maison mère a proposé une compensation financière aux particuliers concernés et pris en charge les coûts de réparation, y compris rétroactivement lorsque les propriétaires des véhicules avaient déjà payé la réfection du moteur. Pour finir de rassurer l’opinion consumériste nord-américaine, le constructeur a étendu la garantie de ces Audi à huit ans ! En Europe, les véhicules concernés sont potentiellement très nombreux (voir encadré), à tel point que le constructeur a émis une note technique (Technical product information, TPI en jargon VW) confidentielle relative à ce défaut. Elle est destinée aux garagistes mais Que Choisir y a eu accès. Et l’affaire pourrait se révéler très ennuyeuse pour le groupe automobile. Car outre Audi et Volkswagen, Seat et Skoda sont aussi concernées. Quatre marques « sœurs » qui partagent l’essentiel de leurs composants, à commencer par les châssis et les motorisations, bien entendu.

Les expertises sont accablantes
Décidé à ne pas assumer seul la réparation de son moteur 1.8 TFSI, David s’est rapproché du syndicat des experts automobiles indépendants, le SEI (www.experts-auto-independants.com). Bernard Tourrette, président de l’instance et consultant régulier de l’UFC-Que Choisir, a procédé lui-même à l’examen de la TT. Son rapport d’expertise est éloquent : « Nous avons procédé à un test de consommation d’huile selon la méthodologie du constructeur. Le bilan est sans appel : une consommation de 1,18 l de lubrifiant aux 1 000 kilomètres ! » Bien sûr, l’expert précise que l’inspection approfondie du véhicule ne révèle aucune fuite externe (joints ou rondelle de bouchon de vidange défaillants, fissure de carter, etc.) qui pourrait justifier une telle voracité. Après un examen du turbo, l’expertise s’est poursuivie à l’intérieur des cylindres à l’aide d’un endoscope. Sans surprise. « Mes constatations, écrit l’homme de l’art, mettent en évidence la présence d’huile dans deux cylindres, ce qui signale un défaut d’étanchéité des segments. » Petite explication pour les profanes : les segments sont de gros ressorts qui entourent chacun des pistons et assurent l’étanchéité entre le bas moteur (qui barbote dans l’huile) et la chambre de combustion où le mélange air-carburant explose. Lorsqu’ils sont très usés, ou défectueux, les segments laissent « monter » le lubrifiant, qui est alors brûlé avec plusieurs conséquences néfastes : l’huile encrasse la culasse (soupapes, chambre de combustion), ainsi que les dispositifs antipollution (vannes EGR, catalyseur) et cette combustion émet des fumées bleues à l’odeur reconnaissable, notamment lors des phases de décélération. Les voitures ainsi endommagées peuvent se voir recalées aux tests de pollution du contrôle technique. Seconde conséquence, si le conducteur n’y prête pas attention, le niveau d’huile baisse insidieusement jusqu’à passer sous le seuil du minimum vital au fonctionnement du moteur. La mécanique s’use à grande vitesse et finit par casser. La facture peut alors atteindre 15 000 € ! « Dans l’automobile, il était communément admis qu’un moteur puisse consommer jusqu’à 1 litre d’huile aux 1 000 kilomètres, précise le président du SEI. Mais de telles consommations, supérieures à un demi-litre d’huile aux 1 000, sont désormais rarissimes, et en général disparaissent après la période de rodage. Sur des mécaniques aussi réputées que les gammes essence du groupe Volkswagen, c’est évidemment anormal et une preuve incontestable d’un défaut. »

Des prises en charge très inégales
Au sein du seul réseau des experts indépendants (qui n’interviennent pas pour le compte des assureurs mais sur demande des particuliers), bien d’autres cas similaires sont en cours d’expertise. Et l’analyse de ces dossiers, auxquels nous avons eu accès, montre un traitement très discriminatoire de la part de VW France. Ainsi, pour l’Audi TT de David, un premier devis de réparation s’élevait à 3 241 €. Pourtant estimé par un garage de la marque, il a été refusé par le médiateur VW au profit d’un second chiffré à 4 865 € ! Montant sur lequel VW France a consenti 70 % de prise en charge, laissant à notre conducteur 1 460 € de sa poche. Sur une autre Audi, une A3 équipée du même moteur 1.8 TFSI et affichant plus de kilomètres, Volkswagen a accepté une prise en charge de 90 % (avec 2 300 € à payer par la propriétaire). Sur une VW Golf 1.4 TSI de 80 000 km, celle-ci tombe à 50 %. Mais, sur une Audi A5 2.0 TFSI Ambition Luxe achetée plus de 45 000 €, le constructeur refuse toute participation à la remise en état, obligeant l’automobiliste et son expert à prendre un avocat pour lancer une procédure. Le moteur ayant rendu l’âme par manque d’huile (il en engloutissait 1,4 l/1 000 km) à 73 000 km, la réparation reviendrait à 14 500 € ! Cela explique sans doute la non-participation de la marque mais ne la justifie nullement. Ces traitements disparates ne sont pas acceptables puisqu’il s’agit d’un préjudice identique subi par un grand nombre de consommateurs. À tel point que ce dossier contentieux pourrait, en théorie, donner lieu à une action de groupe en justice.

Moteurs défectueux : peut-être des milliers d’autos concernées
Selon notre enquête, la gamme de moteurs essence sujette à une surconsommation d’huile se décline en trois cylindrées, 1.4, 1.8 et 2.0 litres, en versions TSI ou TFSI (les cylindrées 1.0 et 1.2 semblent épargnées). D’après nos décomptes, quelque 80 modèles peuvent être concernés : 25 chez Volkswagen (Beetle, Cc, Golf, Eos, Jetta, Passat, Polo Scirocco, Sharan, Tiguan et Touran), 25 chez Audi (A1, A3, A4, A5, A6, A7, A8, Q3, Q5 et TT), 15 chez Skoda (Fabia, Octavia, Rapid, Superb et Yeti) et 15 chez Seat (Alhambra, Altea, Ibiza et Leon). Les millésimes les plus touchés vont de 2008 à 2012. Compte tenu du succès commercial de ces modèles, plusieurs dizaines de milliers de véhicules sont potentiellement équipés d’un moteur défectueux. Impossible, donc, d’accepter un traitement des litiges au cas par cas.

L’affaire Volkswagen
Il y a 1 an débutait le scandale du logiciel espion qui sous-évaluait les émissions de gaz polluant sur certaines voitures diesel du groupe Volkswagen. Vous pouvez retrouver nos questions-réponses sur cette affaire .

Michel Ebran

source https://www.quechoisir.org/

 

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