LES CONSOMMATEURS ONT SOIF DE RÉFORMES
Sécheresse oblige, la carte de France devient rouge écarlate là où l’eau se fait rare. Alors que l’incohérence des politiques de l’eau aggrave la pénurie, le gouvernement continue de céder à la fuite en avant avec la multiplication des réserves d’eau, véritable aberration environnementale et économique.
Qui ne s’est pas un jour indigné de voir, par une journée caniculaire, des rampes d’arrosage irriguer un champ de maïs?? Arrosage d’autant plus incongru qu’une grande quantité d’eau s’évapore avec la chaleur. Plutôt que de blâmer les agriculteurs, c’est la politique agricole commune (Pac) qui est à mettre en cause… Avec sa prime au productivisme, à la culture intensive de céréales gourmandes en eau comme le maïs, elle explique que ces graminées soient apparues pour les agriculteurs comme l’or jaune. Mais cette orientation devient, avec les épisodes récurrents de sécheresse, une véritable aberration. La sécheresse qui sévit actuellement fait suite à celles de 2003 et de 2005, sans que la donne ait changé.
À chaque fois, la carte de France des restrictions d’eau coïncide avec celle des surfaces agricoles irriguées. Alors que l’agriculture représente 50 % des consommations totales d’eau, et jusqu’à 80 % en été, comment ne pas s’indigner du maintien d’une politique instaurant des aides plus élevées pour les cultures irriguées que pour celles moins gourmandes en arrosage?? Il est grand temps de prendre en compte la consommation d’eau dans les critères d’octroi des aides agricoles, de mettre en place des cultures adaptées aux capacités hydrographiques locales. Le gouvernement, lui, semble attendre le déluge?! La multiplication des réserves d’eau annoncée par le Président de la République est une aberration à la fois environnementale et économique. Environnementale car, comme l’ont souligné les expérimentations dans le Lot, ces réserves vont inciter les agriculteurs à irriguer davantage et à privilégier la monoproduction de maïs avec un impact négatif sur les cours d’eau environnants?; économique ensuite, car ce sont les consommateurs qui vont être les principaux contributeurs à la réalisation de ces projets pharaoniques (plusieurs millions d’euros par réserve). L’UFC-Que Choisir entend faire barrage à cette fausse bonne idée, encouragée avec insistance depuis plusieurs années par certains irrigants.
Des esprits chagrins diront que l’on veut tuer l’agriculture… Halte à cet épouvantail?! Arrêtons d’opposer économie d’eau et croissance durable de l’agriculture ¬française. En appliquant effectivement le principe constitutionnel pollueur-payeur, en réorientant significativement les aides vers des productions moins gourmandes en eau, on préserve la ressource et on garantit des revenus aussi importants, voire supérieurs en période de sécheresse, aux agriculteurs. Avec la révision de la Pac en 2013, les pouvoirs publics ont un terrain fertile pour faire germer enfin une réforme des politiques agricoles pour des modes de production plus vertueux. L’UFC-Que Choisir a creusé le sillon, le principal labeur incombe maintenant aux politiques…
Alain Bazot
Président de l’UFC-Que Choisir