Vieillissement le défi du logement
Le Centre d’analyse stratégique (CAS) a présenté sa note sur l’adaptation du parc de logements au vieillissement et à la dépendance. Au menu : un rééquilibrage de la loi de 2005 sur les logements neufs et des solutions innovantes pour aider les propriétaires à financer les travaux dans l’ancien.
Décidément, les vieux font l’objet de toutes les attentions. On ne peut que s’en réjouir après la douche froide qu’a constitué le report de la réforme de la perte d’autonomie, d’autant que cette fois c’est le logement qui est – enfin ! – au centre des préoccupations. Le Centre d’analyse stratégique (CAS), organisme chargé d’éclairer le gouvernement dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques, avait déjà abordé la question en 2010, dans un chapitre de son rapport « Vivre ensemble plus longtemps ». Le vieillissement y était d’ailleurs présenté comme une opportunité pour la société, grâce aux innovations techniques, médicales et pharmaceutiques qu’il induit. Un discours décoiffant et bienvenu, les seniors étant enfin présentés comme une chance, et non plus comme une charge !
Coup d’œil à l’étranger
Pour s’inspirer, le CAS est allé regarder ailleurs. L’enquête Share, menée auprès de 15 pays européens, révèle qu’avec 6 % de logement équipés pour faire face au handicap, la France est légèrement en deçà de la moyenne. Et elle se situe loin des bons élèves comme les Pays-Bas (16 %), le Danemark (12,2 %) ou la Suède (10 %), voire l’Espagne (8,5 %).Quant à l’analyse des politiques publiques menées dans certains de ces pays, elle montre que les facteurs de réussite tiennent en 3 points :
- l’existence d’un interlocuteur unique (les communes y sont compétentes en matière de services sociaux, d’aide à domicile, de maisons de retraite, d’organisation des habitations…) ;
- des contraintes équilibrées entre logements neufs et anciens ;
- une politique ambitieuse ne s’arrêtant pas au seuil du domicile, mais englobant tout le quartier.
Nécessaire diagnostic
Selon un diagnostic inédit, réalisé avec le concours de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), plus de 2 millions de personnes seniors ( de 60 ans) auraient besoin d’une adaptation de leur logement. Le coût total de ces travaux est estimé à 24 milliards d’euros. Une fois retirés les 4,2 milliards d’aides publiques (celles de l’Anah, des caisses de retraite et le crédit d’impôt), on voit que le gros des dépenses est à la charge des bénéficiaires. Et il constitue un réel frein à l’adaptation des logements. Le coût moyen des travaux tourne autour de 10 000 €/logement et varie de 5 000 à 20 000 € selon les besoins et les caractéristiques du bâti.
Les solutions proposées
Après le constat, les solutions. Pour le logement neuf, le CAS propose d’assouplir les contraintes de la loi de 2005 sur l’accessibilité. Il suggère de les maintenir pour toutes les parties communes mais pas pour tous les logements : seulement 20 à 30 % d’entre eux, car tous ne seront pas occupés par des personnes présentant des handicaps. Les économies ainsi réalisées par les promoteurs pourraient alors être versées à l’Anah et servir aux travaux d’adaptation ou de rénovation dans l’ancien. Pour celui-ci, le CAS propose d’accroître les efforts (les aides publiques passant de 4,2 à 6 milliards) afin de rééquilibrer l’offre et de mettre l’accent sur le parc social. Il suggère d’inclure des objectifs en ce sens dans les conventions d’utilité sociale signées entre l’État et les bailleurs sociaux.
Et qu’en est-il des propriétaires privés ? Pour ceux n’ayant pas les moyens de financer ces travaux, le CAS suggère plusieurs pistes : le prêt viager hypothécaire (le remboursement se fait à la succession), le viager HLM (au bénéfice d’un organisme de logement social) ou le prêt hypothécaire cautionné (un organisme tiers se porte caution). Rappelant que pour obtenir un prêt il faut souscrire une assurance décès, et que celle-ci est refusée aux personnes d’un certain âge, le CAS propose une alternative : une garantie publique se substituant à l’hypothèque. Cela coûterait moins cher aux pouvoirs publics qu’une subvention, étant donné que les probabilités de décès entre 70 et 80 ans sont faibles.
Par ailleurs, une proposition de loi a été déposée pour améliorer le crédit d’impôt « à dépense fiscale constante ». Comme actuellement il profite pour 40 % aux contribuables possédant les plus hauts revenus, elle propose d’abaisser le plafond d’éligibilité pour aider les foyers modestes (revenus de 11 000 €/an pour une personne seule, de 18 000 €/an pour un couple) et de transférer ce crédit d’impôt aux descendants qui acquittent les dépenses sans solliciter les aides de l’Anah. Quant à la dernière proposition du CAS, elle touche à l’information sur tous ces dispositifs et à l’instauration d’un… « guichet unique ». Un de plus ? Tout dépendra de la forme que cela prendra dans les départements.
Micaëlla Moran